Grande influence de James Ellroy, Joseph Wambaugh a marqué son monde en écrivant The New Centurions alors qu'il était encore un flic sur le terrain. Gros succès, le roman a donné lieu à une belle adaptation, trop méconnue, Les flics ne dorment pas la nuit.
Richard Fleischer, metteur en scène touche à tout de qualité (Soleil Vert, Les Vikings) est donc ici aidé par une base littéraire puissante, le point de vue renseigné de l'intérieur de Wambaugh, non pas unidimensionnel mais au contraire complexe et nuancé. Tour à tour amoureux ou à charge.
Ces flics là ne sont pas exactement des héros. Pas exactement des brutes fascistes non plus. Juste des hommes qui essaient au jour le jour. Parfois un peu plus. Parfois un peu moins.
Des personnages ambiguës
Intimes, nous les découvrons dans leurs bons moments comme dans leurs dérapages. Car le pouvoir, malgré toute la bonne volonté du monde, le pouvoir corrompt.
Le vieux de la vieille Kilvinski, excellemment interprété par Georges C.Scott, en est un bel exemple. Il connaît les rues par cœur et suit sa propre loi. La loi de Kilvinski. S'il lâche la bride aux putes, s'il sauve un nourrisson, ça ne l'empêche pas d'arrêter un Black pour simple délit de faciès. Pour le pire et le meilleur, Kilvinski arpente les rues.
Charismatique, il fait office de véritable mentor au personnage principal.
Un personnage principal surprenant, ce Roy Fehler. C'est le parcours de toute une vie qui est ici résumée, avec amplitude et émotion. D'abord jeune premier idéaliste, il devient un homme de terrain expérimenté accro à l'adrénaline. Puis, au fil des interactions mouvementées, des désillusions et des traumatismes, menace de partir en vrille. Ses chances de rédemption semblent rétrécir à chaque lampée de whisky.
L'amour du boulot
Masochistes, ces « nouveaux centurions »? Difficile de le nier.
Mal-aimés par l'opinion publique, ils s'entêtent pourtant à faire le boulot. Et quel boulot.
Un boulot qui vous bouffe et vous recrache en miettes. Qui dissout vos liens avec votre famille, avec vous-même et vos ambitions déçues.
Tout ça pour des rondes de nuit interminables, des rondes qui vous obligent à palper l'injustice dégueulasse de la rue, la contestation sociale qui gronde, la marge infime qui nous sépare tous du chaos.
Tomber sur n'importe quoi à n'importe quel moment, voilà tout ce qu'offre le terrain de jeu ouvert des rues obscènes de Los Angeles. Les bâtards, les voleurs, les putes, les balles qui sifflent.
Et pourtant, on y prend goût. Et bientôt, c'est toute votre vie.
Ce boulot, Les Flics Ne Dorment Pas La Nuit l'expose brillamment.
D'une richesse narrative typiquement littéraire, le film accumule les petits moments remplis de vérité. Des tranches de vies quelquefois cocasses voire drolatiques, trop souvent tragiques.
La plus grande force du film est de tirer un portrait riche et toujours fascinant des flics, dépeints avec une densité inhabituelle. Dépeints comme les hommes qu'ils sont, à la fois bourreaux et martyrs.