Comme tous les autres films de Dario Argento Les Frissons de l'Angoisse est placé sous le signe du mystère et de la violence graphique. Comme pour tout giallo (film d'horreur « bas de gamme ») l'intrigue suit deux axes : un traumatisme profondément enfoui lié à l'enfance et qui remonte violemment à la surface et un indice caché à découvrir. Clin d’œil pour les italophones ce giallo a pour titre Profondo Rosso.
Les Frissons de l'Angoisse reprend donc les arguments des autres films d'Argento. L'enquêteur n'est pas un policier mais un étranger qui apporte un regard extérieur. Un petit détail a échappé au témoin du crime et c'est ce détail oublié qui permettrait de découvrir l'assassin. Au début une voyante ressent la présence d'un assassin dans le public. On essaie donc de scruter les visages dans la salle de conférences et de relever des indices. Mais c'est une fausse piste. Des fausses pistes comme ça, il y en a tout au long du film et leur crédibilité est soigneusement étudiée. Il s'agit d'abord d'un affreux dessin d'enfant qui représente un enfant avec un couteau ensanglanté et un homme plein de sang gisant par terre. Ce dessin n'est pourtant pas la clé du dénouement final où l'identité de l'assassin et ses mobiles sont pour une fois plausibles ou presque. L'assassin se débarrasse des témoins gênants à mesure que l'enquête progresse. Il n' est pas question de sorcières ou de magie comme dans la trilogie des Trois Mères et le coupable est...quelqu'un de bien réel. Peu importe qui c'est, car c'est autour des moments angoissants et de la recherche formelle qu'a été construit le film. Pour exemple le lieu de l'assassinat de la parapsychologue (interprétée par une Macha Méryl hurlante) est une place d'une ville imaginaire. Une statue d'un dieu allongé (Jupiter?) est à une extrémité de la place. Le café qui est à l'autre extrémité, le Blue Bar, ressemble au détail près à une peinture d'Edward Hooper. Cette place filmée de nuit suinte la solitude, la froideur et l'angoisse. Même si la photo est en général beaucoup plus sobre que pour Suspiria ou Inferno.
A partir du moment où le crime est commis tous les protagonistes sont des suspects en puissance avec une prédilection pour les femmes car chez le Hitchcock italien comme on l'appelle les crimes sont souvent perpétrés par des femmes. L'enquête est menée essentiellement par la journaliste Gianna, à ses côtés Mark l'enquêteur américain est symboliquement rabaissé dans la voiture à cause d'un siège défaillant. Gianna domine Mark par son énergie et ses initiatives. Oui le père d'Asia Argento était un féministe avant l'heure. La coupable la plus plausible semble être la journaliste Gianna elle-même (interprétée par Daria Nicolodi la mère d'Asia) qui drague d'une façon un peu trop appuyée l'américain et connaît des détails que seul l'assassin pourrait connaître. L'enquêteur américain est le pianiste de jazz Mark Daly, interprété par David Hemmings, l'acteur de Blow Up que l'on retrouve ici avec un peu d'étonnement. Le choix de cet acteur n'est peut-être pas tout à fait dû au hasard. Dans le film d'Antonioni David Hemmings se plante en beauté dans son enquête qui débouche sur du néant. Dans celui d'Argento il se plante autant (toujours en beauté) mais finira par trouver grâce à sa mémoire le détail manquant du puzzle au détour d'un tableau dans un corridor.
J'avais commencé sur SC en me disant que je ferai un jour des critiques des films d'Antonioni. J'aurais certainement parlé d'angoisse, de métaphysique et d'incommunicabilité. Mais comment aurais-je pu faire l'impasse sur le fait qu'il ne se passe jamais rien dans les films du maître italien ennuyants comme la pluie? J'ai donc décidé de ne pas parler d'Antonioni et de parler plutôt des films de Dario Argento avec qui inventivité formelle est au service d'une enquête et où l'angoisse nous prend pour ne plus nous lâcher.
Dario Argento rajoute d'autres indices au scénario co-écrit avec Bernardino Zapponi (qui a travaillé avec Fellini) pour nous « aider » à trouver le coupable. C'est d'abord la photo de la maison gothique au dracéna. L'écrivain Amanda (Giuliana Calandra), celle qui possède le mainate, a l'air d'en savoir beaucoup sur cette grande demeure (la villa Scott à Turin dans la réalité) puisqu'elle a écrit un livre à ce sujet. Le moment le plus angoissant du film c'est quand Mark Daly visite tout seul et longuement cette grande maison hantée de nuit, avec la musique angoissante des Goblins (le groupe de rock progressif italien de Claudio Simonetti) en fonds sonore. Quand la musique s'arrête c'est là que monte la peur car la caméra subjective montre parfaitement que quelqu'un va surgir. Mais justement c'est presque le seul moment où il ne se passera rien en dépit de la découverte de la pièce cachée. Dario Argento réussit donc une fois de plus à jouer avec nos nerfs et à nous mener sur une fausse piste.
L'assassin (avec gants noirs, chapeau et grand couteau qui brille) ne ne vient jamais quand on s'y attend mais il annonce toujours sa venue imminente par une poupée pendue ou un pantin grimaçant associés à une comptine enfantine. Les préliminaires du crime sont ainsi particulièrement soignés dans Profondo Rosso. Les meurtres sont d'une violence visuelle réservée exclusivement aux amateurs du genre pour restreindre volontairement le public à un petit comité d'esthètes. Ils sont perpétrés toujours d'une façon artistique que n'aurait pas reniée David Bowie dans son album1.Outside. La première victime a la gorge tranchée par le verre d'une fenêtre pour l'achever. Une autre victime a le visage plongé dans une baignoire remplie d’eau bouillante pour la noyer.
Le dernier indice sera un tableau qui aurait été enlevé au domicile de la voyante. Là aussi ce ne sera qu' une illusion bien amenée.
Quant à la fin, on passe un cran au-dessus, à du super violent qui finit par là-même à devenir du comique grand guignol. On s'en étranglerait presque de rire si j'ose dire. Mais comme souvent la découverte de l'assassin n'est pas le meilleur moment. La principale qualité du film rétrospectivement est le grand nombre de fausses pistes et l'habileté à les faire apparaître et disparaître au bon moment.
Les Frissons de l'Angoisse est considéré comme l'un des meilleurs films de Dario Argento.