...Ou bien est-ce un film sur les couples homoparentaux ?

Les Fugitifs, film sorti en 1986, marque la troisième et dernière collaboration du trio Veber/Richard/Depardieu. Avec Francis Veber toujours au scénario et à la caméra tandis que Pierre Richard et Gérard Depardieu reprennent la même formule de duo que dans les films précédents. Pour le premier celui d'un François Perrin/Pignon maladroit et un peu idiot et de l'autre le personnage de Depardieu devant s'accommoder et supporter tant bien que mal son compagnon d'infortune.

S'il n'est majoritairement pas considéré comme le meilleur film issu de la collaboration entre les trois hommes, il vaut tout de même (selon moi) le coup d'œil. Certes, il est assurément moins porté sur l'humour que pouvait l'être la Chèvre, mais dans un autre domaine que le rire les Fugitifs montre aussi une certaine pertinence. L'humour est tout de même bien évidemment présent ; au début du film, le braquage de banque de Pignon est tourné au ridicule pour renforcer l'amateurisme de l'individu, le quiproquo sur le rôle de Depardieu dans cet événement est également excuse à situation amusante, mais on retrouve aussi un Jean Carmet hilarant dans un rôle de vétérinaire gâteux à la retraite, se retrouvant à soigner Depardieu comme s'il s’agissait un chien.

Mais ensuite, sans pour autant jamais abandonner l'humour, le film se permet de prendre une dimension plus émotionnelle, centrée principalement autour de la relation inattendue entre le personnage de Gérard Depardieu et la fille de huit ans de François Pignon,(Jeanne/Anaïs Bret jouant admirablement bien pour son âge, mais dont la carrière d'actrice peut se résumer à ce film) enfermée dans un mutisme que rien ne semble pouvoir défaire depuis le décès de sa mère, survenu trois ans plus tôt.

Un réel lien va se lier entre ces deux êtres que tout oppose, Jeanne se montrant indirectement d'une aide précieuse dans le retour à la vie civile et honnête de Lucas s'attachant à la fille comme si c'était la sienne, sous ses airs d'ours mal léché et bougon, tandis que lui va conduire la jeune fille à retrouver l’usage de la parole.

Une scène viendra mettre cette relation en valeur lorsque la nuit tombant Jeanne va s'endormir auprès d'un Lucas en se servant de son bras comme d'un oreiller, lui-même étant tombé de sommeil sur le sol froid d'un vieil hangar abandonné. Le corps frêle de la jeune fille se blottissant contre un Gérard Depardieu massif et presque bestial, l’ensemble porté par la musique de Vladimir Cosma.

En tentant d'être le maximum objectif que je puisse être, on pourrait affirmer que la relation manque de subtilité, notamment concernant la manière dont elle est amenée, mais en ce qui me concerne le jeu des acteurs a suffi à me faire passer outre ce léger défaut à m'émouvoir dans un film où je ne m'attendais pas vraiment à l'être…. mais bien sûr tout cela reste une question de sensibilité.

Dès lors, le film parvient avec pertinence à jongler entre l'humour et des scènes plus émouvantes autour de cette drôle de famille recomposée.

Cependant, en me permettant sans doute une surinterprétation, une question que le film ne se pose pas me taraude tout de même. Le fait que la petite fille devra attendre trois ans et la relation avec un quasi inconnu pour se remettre à parler peut tout de même amener à se demander si ce François Pignon n'est pas un aussi piètre père qu'il est un piètre voleur (bien qu’en réalité le film le montre tout du long très aimant auprès de sa fille, puisque c’est améliorer son quotidien de vie à elle qui le pousse à commettre son forfait ).