Les Galettes de Pont-Aven par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Elle n'est pas enthousiasmante la vie d'Henri Serin, VRP de parapluies dans le secteur breton. Il habite Saumur avec sa petite famille et sa vie conjugale ne brille pas d'un vif éclat, loin s'en faut. Il y a bien la peinture qui lui sert de dérivatif mais la semaine passée sur les routes de province est bien morne. Heureusement il a quelques étapes incontournables, notamment celle où il peut passer un peu de bon temps avec une cliente ravie de s'être fait tirer le portrait par ce peintre du dimanche. Un beau jour Henri claque la porte et part à l'aventure au volant de sa voiture. C'est aux portes de Pont-Aven que va débuter sa nouvelle vie grâce à Émile, un peintre aux mœurs dissolus et hâbleur, imitateur de Gauguin. Mais c'est là aussi que notre VRP va être ébloui par la jolie petite Marie.


Il est certain que notre représentant qui sillonne les routes et les bourgs à longueur de journées et de soirées n'a pas une vie bien enrichissante. Son épouse étant des plus puritaines, il arrive à trouver quelque réconfort auprès d'une femme admiratrice des toiles d'Henri. Il fait profiter la très gentille dame de ses dons artistiques mais aussi de séducteur. Et lorsqu'il part à l'aventure avec son véhicule et quelques bagages, il ne se doute pas qu'une vie de rêve peut être au bout d'un chemin gadouilleux grâce à un sanglier noctambule ayant la malchance de traverser la route menant à Pont-Aven. Il ne se doute pas non plus qu'en tombant sous la coupe d'Émile venu le dépanner, il va passer des moments de rêve avec une copine de celui-ci toujours prête à livrer son corps. De plus, pour le plus grand bonheur des deux hommes, inutile de forcer la serrure de la porte de la chambre de la belle avec un tournevis !
Ce bonheur n'ayant qu'un temps, Henri très déprimé, va traîner ses guêtres dans le pittoresque bourg breton où il va choisir un l'hôtel pour y prendre pension. Il va alors s'apercevoir que son nouveau port d'attache ne manque pas d'attraits puisqu'il va faire la connaissance de la toute jeune et belle Marie qui s'occupe du ménage dans l'établissement. L'imagination, l'inspiration pour la peinture et la libido d'Henri bouillonnent, les parapluies et les anciennes conquêtes sont hors jeux mais surtout pas les attraits et la gentillesse de sa nouvelle égérie qui va le recycler en énergique vendeur de galettes sur une plage toute proche.


Voici donc comment les courbes d'une d'une jolie fille peuvent changer la vie d'un homme à l'existence monotone. Joël Séria nous a offert un film à l'esprit libertaire, "ni dieu ni maître". On ne prend que le côté sympa de la vie en laissant derrière soit les coincés et leur société pourrie bourrée de principes contraignants. Bonjour la liberté ! Bonjour la joie de vivre ! Bonjour l'amour !
Ce film sorti en 1975 s'inscrit en droite ligne de celui de Bertrand Blier: "Les valseuses" sorti un an plutôt. De nombreuses réalisations anticonformistes pour l'époque se pointaient et "Les galettes de Pont-Aven" en est l'un des plus brillants exemples. Les dialogues sont crus de crus, certains personnages sont libertins et laissent aller leurs fantasmes et leurs pulsions. La vie ne vaut d'être vécue que si les emmerdes ne viennent pas la troubler et c'est le cas ici. Joël Sériat nous a concocté un personnage attachant en la personne d'Henri qui symbolise tout cela, interprété par un Jean-Pierre Marielle impressionnant de talent dans sa tristesse et sa lassitude, se transformant brusquement en véritable gai luron et en jouisseur invétéré.
Cet amoureux de la peinture aura fait la connaissance d'Émile, un autre jouisseur de la vie mais dans un autre style, c'est un très bon Bernard Fresson qui nous vaut ce personnage grande gueule et vicelard. Andrea Ferréol apporte un peu de réconfort à Henri et joue fort bien sa partition. Et puis il y a le miracle, la révélation pour Henri en la personne de la jolie petite Marie qui va lui dévoiler ses charmes et c'est Jeanne Goupil qui tient ce rôle salvateur avec énormément de douceur et de talent. Vous croiserez également quelques autres personnages parfois typiques, parfois bizarres dans ce charmant coin de Bretagne. Vous reconnaîtrez un pèlerin, Claude Piéplu, vous ferez la connaissance du curé du village, Romain Bouteille, d'Angela qui est loin d'avoir froid aux yeux, Dolores McDonough, de Marie Pape la prostituée locale, Dominique Lavanant.


Alors, "nom de Dieu de bordel de merde"... comme dirait le pote Henri, qu'attendez vous pour voir ou revoir cette œuvre de Joël Seria qui reste un classique incontesté de ce style de cinéma libertaire et croyez-moi, ça fait du bien de passer un moment au milieu de tout ce petit monde.

Grard-Rocher
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le 29 déc. 2014

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