Marre des Seigneurs, Boule et Bill, Turf, Vive la France et consorts ? Les Gamins pourraient vous réconcilier avec la comédie française. En fait, il faut déjà se tourner vers la comédie américaine, principale inspiration d'Anthony Marciano et de son comparse et co-scénariste Max Boublil. Les néophytes de l'école Appatow, des Farrelly ou de Seth Gordon apprécieront cette transposition française d'un humour qui se lâche, un tantinet décalé et légèrement trash (le film n'est pas vraiment à mettre en les mains des moins de 12 ans).
L'intrigue démarre avec l'histoire d'amour d'un musicien rêveur et d'une femme d'aujourd'hui, responsable/travailleuse/organisée. Cette situation posée tend progressivement vers la rencontre de la belle-famille et spécifiquement du beau-père, dont la folie des années 60 a laissé place à une vie monotone, sans rythme, oscillant entre la table de la salle à manger et le canapé du siècle dernier pour s'abrutir devant des émissions de télévisions. En fait, le point de départ du film vient surtout de ce postulat et de la crainte de tout à chacun. La crise de la cinquantaine, la crise de l'adolescence enfouie en soi qui sort au grand jour, la crise de croire que l'on a raté sa vie et les occasions d'avoir une autre vie. Dans ce retour à l'adolescence, Alain Chabat va prendre sous son aile son futur-gendre. Il va "l'éclairer" sur la vie qui l'attend en franchissant le pas du mariage. Sens de la vie et questions existentielles ne seront finalement qu'à peine abordés, mais laissent place à un enchaînement de sketchs déchaînés sur fond de road-trip musical.
Si tenté que l'on apprécie l'humour made in US, alors impossible de ne pas abuser de ses zygomatiques. Un travail d'écriture intense se ressent tant le rythme du film ne faiblit qu'à de rares occasions. Il est vrai, et ce sera le principal reproche qui lui sera fait, le film tombe par moment dans une forme de sentimentalisme, de remise en cause qui ne fonctionne pas. Le côté rom'com est loupé et certains regretteront l'utilisation à outrance de clichés. Le film enchaîne de manière abusive les personnages stéréotypés, mais à l'inverse Le Prénom l'avait aussi fait et ça marchait plutôt bien, au point qu'il devienne l'une des meilleures comédies françaises de l'année 2012. Ces quelques défauts n'altèrent pas vraiment le bonne humeur de ces Gamins, car le long-métrage se rattrape sur un scénario à l'aspect immature revendiqué et au retour à l'adolescence assumé. Le scénario facile, convenu et prévisible se ressent moins dans son approche tant les gags donnent matière à rire pendant ces quatre-vingt quinze minutes.
La complicité d'Alain Chabat et de Max Boubil fonctionne parfaitement à l'écran. Les meilleurs moments du film viennent d'ailleurs de leur présence à l'écran. Lorsque l'intrigue s'éloigne un peu de ce tandem de nouveaux meilleurs amis, les autres personnages, bien que réduits, rappellent qu'il y a un juste retour des choses des actions entreprises, et qu'il faut savoir prendre son sérieux dans les moments adéquats, dans la réalité.
Et finalement, le film de par son humour lance quelques piques à l'industrie musicale qui construit des produits de consommation sur des idées saugrenues. Un brin moralisateur, le film rappelle qu'il y a un juste retour des choses selon les prises de décision et les conséquences qui en découlent. C'est de la bonne comédie irrévérencieuse, immature, décalée, osée, parfois trash et presque inconvenant, à même de soulever les polémiques (mention spéciale à ceux qui auront compris la blague du discours de mariage sur le grand-père parti s'exiler en Amérique du Sud en 1945).
En somme, une comédie française agréable à voir après quelques oeuvres bien grasses et populaires. Ici l'humour barge, osé et tranchant se distingue par son écriture soignée qui plaira à une bonne partie de son audience. Alain Chabat dans l'un de ses très bons rôles, Max Boubil (à l'inverse de Norman) impliqué dans son passage du court et du spectacle au long-métrage, et deux scénaristes qui, je l'espère, continueront dans cette voie.