De nos jours, le genre de la comédie en France se révèle rarement drôle et manque très souvent d'inventivité et d'audace. Le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! », première réalisation de l'acteur Guillaume Gallienne (d'après sa propre pièce de théâtre), vient renverser cette tendance, et avec brio.
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs durant le dernier Festival de Cannes, où il triompha, ce premier film est un petit bijou d'humour et de tendresse et dans lequel Gallienne nous invite à nous plonger dans son univers, sa vie. Nous faisant le récit de la place qu'il occupe au sein d'une famille bourgeoise où il se sent plus fille que garçon et désireux de partir à la quête de cette autre sexualité, le film pose cette question intelligente du regard que l'on porte sur soi, et ce à travers celui des personnes qui nous sont proches. Ne portant jamais de jugement sur lui-même et ses personnages, le film se révèle être une très belle déclaration d'amour aux femmes, à toutes les femmes, et en particulier à sa propre mère.
Le rapport, parfois tendre, parfois tendu, entre Gallienne et sa mère, se trouve être le moteur principal du film, mais l'acteur-réalisateur traite tout cela avec une incroyable pudeur, sans jamais verser dans le voyeurisme gratuit ou donner au spectateur l'impression d'être pris en otage tout le long du film. Et le plus incroyable, c'est qu'il incarne ici sa propre mère avec une telle justesse (très observateur et méticuleux, il va jusqu'à la mimer dans les moindres détails : voix, gestes, regards,...), qu'on ne réalise pas une seconde qu'il s'agit du même acteur à l'écran, se donnant la réplique à lui-même. Le sociétaire de la Comédie-Française nous livre là sans conteste l'une des plus grandes compositions vues sur grand écran ces dernières années. Un hommage touchant à une mère, tendre et sévère à la fois, mais qui dans le cœur de Guillaume Gallienne, restera "la femme de sa vie".
Jonglant habilement entre humour et émotion, un film solaire sans jamais être lourd, autobiographique sans jamais être nombriliste (principal défaut du cinéma français quand il traite ce genre de sujets) et qui porte définitivement la marque de son auteur-interprète. L'un des hauts faits du cinéma français de ces derniers mois et assurément l'un de mes coups de cœur de cette année.