Du bon spectacle, de bonnes répliques, mais un scénario incohérent !

N'ayant pas encore vu le film La Tunique (The Robe en version originale) et ignorant que ce film était une suite, le début m'a un peu dérouté avec son histoire de tunique, même si on comprend directement ce qui est raconté.
Le film vaut pour quelques éléments. J'ai beaucoup aimé le décor de petites rues étroites avec des bâtiments en pierres. Le héros principal n'est pas spécialement beau, mais il a d'évidence un magnétisme de sex symbol avec le sourire en coin sur ses lèvres prononcées et puis sa carrure. Le jeu de Caligula est délirant, sauf quand il donne une gifle en aplatissant mal sa main au ralenti. J'aime bien aussi les répliques, notamment celles de Pierre quand il vient chez Messaline ou quand il reçoit Demetrius en tribun romain qui vient s'emparer de la tunique : "tu fais des reproches à Dieu, donc c'est bien, tu crois encore lui." Il y en a une aussi que je trouvais pas mal un peu avant, mais là j'en ai pas le souvenir.
La grande force du film, c'est le combat contre les tigres. Les combats entre gladiateurs sont pas mal, mais ne sortent pas du lot ordinaire du cinéma. En revanche, malgré une façon de frapper assez aberrante sur les trois tigres et malgré le choix de tigres de petite dimension, c'est assez génial et immersif que ce combat où on voit des tigres réels s'agiter la plupart du temps, ou on voit du corps à corps. C'est contrebalancé par des images d'immobilisation et de coups donnés plus suspectes, encore que l'un des tigres est tué en hors-champ par un coup de poignard en bas d'écran, ce qui était une bonne idée de mise en scène pour suggérer sans montrer.
D'autres commentaires, sur les neuf qui me précèdent sur ce site, parlent de lions. On n'a pas dû voir le même film. Ceci dit, c'est amusant parce que la réflexion que je me suis faite, c'est que dans les arènes romaines il était plus logique de se fournir en lions d'Afrique que de tigres de la lointaine Asie.
Au cours de mon visionnage, j'aimais bien aussi la scène où Messaline déclare son amour à Demetrius parce qu'il ne rampera devant personne, j'y voyais un argument fort du film, mais j'ai dû déchanter.
Passons donc aux épouvantables incohérences du film.
La première concerne le début de l'histoire. La seconde, je spoilerai ce qu'il se passe aux deux tiers du film, vous êtes prévenus.
Donc, au début du film, Démétrius vit pauvrement comme potier parmi des gens qui vivent en secret dans la foi chrétienne. Ils doivent cacher une précieuse tunique rouge pourpre du Christ. Elle n'est pas cachée, elle est en vue sur une étagère dans la maison. On leur a jamais appris à cacher les choses en-dehors de chez soi ou à les cacher tout court en tout cas. Bref, l'armée romaine arrive à l'improviste pour une fouille. Je vous épargne le dialogue incohérent où le soldat s'étonne que personne ne lui réponde comme s'il était évident qu'ils savent où elle est. En tout cas, la femme qui est avec Démétrius se met à courir quand la fouille de sa maison va commencer. Elle se fait rattraper, et Démétrius tabasse le soldat pour la sauver.
Et c'est là que, du point de vue du scénario, il y a un gros problème de cohérence. Suite à cette bagarre, Démétrius est fait gladiateur esclave pour sa punition. A l'époque, on croyait que les gladiateurs s'entretuaient dans l'arène, tout le truc hollywoodien historiquement faux, mais le problème c'est que puisque la femme a fui en courant cela devrait précipiter la fouille de la maison où la tunique est bien en vue, et comme Démétrius a été maîtrisé les autres soldats n'ont qu'à attraper la femme. Non, elle est libre comme l'air, il ne se passe rien.
Mais, bon, on oublie vite ce qu'on appellera un détail de l'introduction pour s'intéresser à l'histoire de Démétrius gladiateur.
Le nouveau problème, c'est que, parmi les prostituées qui voient les gladiateurs, une femme grecque s'intéresse à Démétrius et va voir la maison de potier où il travaillait, et elle tombe sur la jeune femme Lucia qui s'était enfuie tout à l'heure. On constate donc bien qu'il ne lui est rien arrivé, mais la rencontre des deux femmes est absurde, puisqu'on a une absence de rivalité féminine alors que la prostituée vient par amour et que l'autre demande à le voir par amour. Le scénario est vraiment bâclé, les ficelles scénaristiques commencent à s'enfiler les unes dans les autres, et précisément on arrive à la suivante incohérence. Lucia remplace une prostituée, elle approche de Démétrius, tous les deux sont sans prudence, et Messaline qui est là, pas n'importe qui, c'est la femme de Claude, celui qui succédera au titre d'empereur à la mort de Caligula quand même, et on sait qu'elle aime tuer et est débauchée. Démétrius le sait. Or, Démétrius est éloigné de sa belle et enfermé derrière une grille. Evidemment, parmi les prostituées, Lucia devient la cible immédiate d'autres gladiateurs. Le film ne peut pas raconter un viol. Donc le gladiateur lui tord la nuque en la tirant un peu fort, il lui vole un baiser, et Lucia tombe en état de prostration avec un doute sur le fait qu'elle puisse être morte. Il est acté qu'elle est morte. Furieux, le lendemain, Démétrius renie Dieu, car il avait demandé à Dieu de la sauver pendant la scène de quasi viol. Et il la venge en tuant les gladiateurs un par un.
J'ai vu dans certains commentaires que la religion n'était pas importante dans ce film. Je crois encore une fois qu'on n'a décidément pas vu le même film. Mais le problème c'est que, tout en reniant Dieu, Démétrius devient l'amant de Messaline, et là il y a un truc qui ne va pas. Il vient de perdre celle qu'il aimait, du moins il le croit, il pourrait d'ailleurs se dire que c'est lié à la présence de Messaline, mais ça le film lui prête une naïveté sans borne, mais en tout cas moi je trouve invraisemblable que, malgré sa colère contre Dieu, le lendemain de la mort de celle qu'il aimait il fasse d'une autre femme son amante à des fins orgiaques. Je veux bien beaucoup de choses, mais il y a des limites quand même.
Le retournement de veste du personnage en fait de religion est mal amené, et pas du tout crédible. Puis il change même de comportement envers son ami nubien. Ces virages à 180° m'ont énormément déplu.
Puis, ils s'attaquent aux gens qu'ils protégeaient. Il va chercher la tunique au milieu d'eux les menaçant. Il a perdu celle qu'il aime, il devient mauvais avec les proches qu'il partageait avec celle qu'il aime. On me dira que ce n'est pas cela dans le film. L'apôtre Pierre concentre la révolte contre le Christ de Démétrius, et il va chercher la tunique parce qu'il y est obligé et il cherche quand même à protéger les siens en disant que ce n'est qu'un bout de tissu. Mais je le trouve léger quand même dans la façon d'agir.
Mais, bref, on apprend que ce gros couillon s'est trompée. La femme n'est pas morte de sa mésaventure. Elle est traumatisée, ne réagit plus et tient la tunique sur elle, personne ne peut lui enlever, ce qui fait au passage une nouvelle incohérence, puisque les romains la cherchent et peuvent soupçonner à bon droit cette maison et cette femme depuis le début du film. Il faut imaginer notre femme à longueur de journées sur son lit avec la tunique, sans que rien ne se remarque.
Et ce que je déteste du coup aussi dans ce film c'est que le retour en grâce du personnage se fasse aussi prosaïquement, aussi bêtement. Au lieu d'avoir un vrai repentir, le personnage réalise qu'il n'avait pas à se fâcher contre Dieu puisque la femme est toujours en vie. Et donc il effectue un nouveau virage à 180°. C'est ballot comme scénario.
Après, un autre aspect un peu limite, c'est le côté falot de Claude, le successeur historique de Caligula, encore qu'à la limite ça rend le film comique.
Voilà, je suis un peu mitigé sur ce film, mais on passe un bon moment quand même.