C’est tout de même paradoxal de dire d’un film réalisé en stop-motion qu’il était peut-être trop en avance sur son temps. Stuart Gordon avait senti le vent d’Orient arriver avec cette vague de l’animation nippone mettant aux prises des méchas et robots géants. Charles Band sera d’abord réticent à l’idée de son meilleur artisan, mais il acceptera finalement de produire le film et de lui confier le plus gros budget alloué à l’une de ses productions, soit 6 millions et pour quelqu’un d’aussi radin, on peut véritablement parler de blockbuster maison. Mais avant de banquer, ce dernier chargera son animateur David Allen de lui livrer une bande démo afin de pouvoir convaincre et attirer d’autres investisseurs sur le projet. La réussite sera telle que cet extrait sera conservé et incorporé à l’introduction tandis que le scénario sera écrit par Joe Haldeman lauréat de plusieurs prix littéraires ce qui aura permis une synergie des meilleurs talents que la firme aura sollicité. Mais l’histoire va tourner court suite à une brouille entre son réalisateur et scénariste pour cause de différent artistique. Joe Haldelman imagine une véritable fresque science-fictionnel reprenant le mythe de l’Illiade auquel il glisse une violente charge critique contre les politiques militaristes, un peu à l’image de son éminent roman La Guerre Eternelle que l’on aurait d’ailleurs rêvé voir adapter sur grand écran. Tandis que Gordon mise d’avantage dans l’entertainment à même de divertir toute la famille et de faire des recettes. De plus, il souhaite réaliser un film plus satirique, un peu dans l’esprit de ce que fera Paul Verhoeven avec Robocop et Total Recall.


De ces deux visions, c’est naturellement celle du second qui prévaudra pour cause de conflit d’intérêt et d’une confiance accordé suite à la réussite de ses précédents travaux (Re-animator, From Beyond, Dolls Les Poupées). Une fois le divorce acté, Empire Pictures va perdre une partie de ses partenaires financiers obligeant Charles Band à remettre la main au bassinet d’autant qu’il n’avait pas anticipé l’inflation ce qui fera grimper l’enveloppe à 10 millions et comme si cela ne suffisait déjà pas, la météo s’y mêle également ce qui va rallonger les délais de production et ce qui occasionnera la banqueroute du studio qui ne s’en relèvera pas. Le film va donc mettre plusieurs années avant de trouver le chemin des salles de cinéma après être passé entre les mains de plusieurs sociétés. À sa sortie en 1990, Robot Jox va néanmoins récolter des gros gadins, et se verra affubler d’une réputation ringarde surtout à l’heure des effets spéciaux en image de synthèse. S’il occulte des aspects considérés comme « politiquement incorrect », le film de Gordon conserve néanmoins une portée assez critique et évoque des sujets comme le contrôle des foules par le biais d’un sport fédérateur qui galvanise les gens, la procréation de bébés éprouvettes, ou bien l’émancipation des femmes grâce à un portrait de société sclérosé par un vieux patriarcat qui les condamnent à transgresser les « règles » pour exister.


Le récit met donc aux prises deux blocs, le marché qui représente l’occident et le libéralisme yankee et la confédération soit l’ex-union soviétique ennemi du monde « libre » et souverain. Et pour éviter que les querelles politique ne dégénèrent encore dans un nouveau conflit nucléaire, il convient désormais de régler les différents dans l’arène, théâtre de combats spectaculaire entre des robots géants manipulés par des pilotes dans leur cockpit qui se balancent missiles, lasers, bourre pif et balistique en tout genre dans la gueule afin de divertir la plèbe qui ne vit que par ces jeux du cirque 2.0 et misent tout leur argent en même temps que leur avenir sur les paris que le sport génère. Le prochain match sera d’ailleurs déterminant pour le contrôle du territoire de l’Alaska que les deux nations convoitent pour ses richesses et ressources naturelles. Achille de son côté est le Schumacher des « robot jox », il n’a jamais connu la défaite, ce mot ne fait même pas partie de son vocabulaire et il arpente alors son 10ème et ultime combat contractuel. En cas de victoire face à son éternel rival Alexandre, il égalerait le record de son coach Tex Conway. Mais la lutte va très mal tourner puisque les combattants vont s’affaler sur l’une des tribunes provoquant des centaines de morts. Match nul est donné mais n’arrangera aucun des deux camps. Les deux rivaux devront alors organiser la revanche, mais Achille frappé par le doute de s’être vu vaciller en court de combat ; certainement plus que par le sentiment de culpabilité ressenti par la catastrophe engendré ; préférera raccrocher les gants et laisser le champ libre à une nouvelle génération de pilotes issue de la création génétique.


De toutes les personnages présentés, c’est bien celui de la « gen jox » Athena qui sera finalement le plus intéressant, sa trajectoire étant assez porteuse d’espoir malgré les difficultés à s’imposer dans un monde majoritairement dominé par les hommes. Il lui faudra symboliquement se hisser au sommet d’une tour d’obstacle avant de se retrouver la cible de vives critiques et d’une foule capricieuse puis d’être torpillé par les siens au court d’un combat où elle prouvera que les femmes peuvent bien être l’égale des hommes. Cela aura évidemment pour but de remettre Achille sur le devant de la scène, qui va donc renfiler les gants et de surcroît le collant pour nous gratifier d’un combat épique qui aboutira encore une fois à un match nul mais surtout à une réconciliation et un respect réciproque avec son meilleur ennemi. Qu’en sera t-il des relations entre les deux grandes puissances et de la place des mutants dans cette société ? Nul ne saurai répondre, si ce n’est vous dire et de manière virile : CRASH AND BURN !


Trop sage pour rivaliser avec les meilleures, pas assez violent et provocateur, Robot Jox dégage un charme vintage grâce à ses effets pratiques et sa peinture d’un univers dystopique. Certains environnements et décors évoquent parfois le futur Starship Troopers de Paul Verhoeven. En outre le film bénéficie également de superbes séquences réalisés en stop-motion par le regretté David Allen, fidèle animateur du studio qui continuera de travailler durant quelques années avec Charles Band, qui des ruines de Empire fondera la Full Moon Features et produira deux séquelles officieuses se déroulant plus ou moins dans le même univers : Crash and Burn et Robot Wars. Après avoir renoncé à réaliser lui-même Maman j’ai rétréci les gosses, Stuart Gordon fera deux nouvelles incursions dans la science-fiction avec Fortress et Space Truckers entrecoupés de productions pour la Full Moon : The Pit and the Pendulum et Castle Freak une adaptation Lovecraftienne de plus à mettre à son actif. Le réalisateur confiera bien avoir eu l’idée d’une suite dans laquelle Achille et Alexandre auraient combattus ensemble contre une invasion extra-terrestre, mais c’est finalement Guillermo Del Toro qui développera cette idée dans Pacific Rim et qui ne manquera pas d’adresser quelques clins d’oeils à son homologue. 20 ans après, le vent d’Orient aura donc bien fini par passer les frontières de l’Occident. Finalement le réel tort de Robot Jox aura peut-être été d’avoir voulu se faire aussi gros que ses robots.


Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !

Le-Roy-du-Bis
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le 24 juil. 2024

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