Je reste persuadé que Raymond Depardon est l’une des figures les plus importantes du cinéma documentaire qui a surtout œuvré durant les années 80/90 avant d’offrir une sorte de manifeste sublime avec sa trilogie Profils paysans entre 2001 et 2008. Il aurait dû s’en tenir à La vie moderne. Il ne reste aujourd’hui que des miettes de ce qu’il fut. Après le dispensable Journal de France, qui faisait office de documentaire sur Depardon lui-même, l’insipide Les habitants enterre définitivement le cinéaste, qui semble à court d’idées, veut raconter qu’il continue de sillonner la France mais sans le désir de faire du cinéma.
Depardon embarque donc une petite caravane dans laquelle il a installé tout un barda de tournage. Il fait escale dans nombreuses villes, de Calais à Sète, de Nice à Villeneuve St Georges et décide de filmer, à l’intérieur même de sa caravane les gens qu’il va rencontrer au hasard, dès l’instant qu’ils acceptent de poursuivre ou reproduire leur conversation dans sa Raymond Mobil. Le plan est toujours le même. Fixe. En son sein, il y aura toujours deux personnes à une table, se faisant face. Et au second plan, la vitre arrière du véhicule donne sur une place, une rue dévoilant la ville dans laquelle on se trouve. Une fenêtre sur le monde, en somme.
Plus ordonné, systématique et chiant tu meurs. D’autant que ces quelques échantillons ne témoignent de rien : Ni d’une éventuelle universalité ni d’un ancrage géographique précis. Chaque habitant succède au précédent, ressemble au précédent, dans des lieux qui se ressemblent puisqu’ils n’existent pas. Si les conversations sont souvent sans intérêt, c’est moins pour la banalité de fond qu’elles exploitent que pour l’aspect bribes de dialogues clairsemés : Deux minutes, à peine, pour la plupart d’entre eux toujours dans un esprit de coupes, de façon à ne garder que les paroles, jamais les silences ni les ratés (Les habitants jouent puisqu’ils reproduisent du réel) et puis hop, on passe au suivant dans la foulée. Il y a pourtant de la violence dans ces conversations, où l’on y parle de famille, de couples, d’enfants, dévoilant un affrontement abstrait entre hommes et femmes, mais ça ne débouche sur rien. Ça ne raconte rien.
Clou du spectacle : Entre chaque ville, Depardon insère quelques plans de sa caravane en marche, serpentant les routes, en accompagnant chaque fois le tout d’une soupe musicale signée Alexandre Desplat. C’est si mécanique, redondant et sans surprises que ça parait durer une éternité. Bref, c’est atroce. Je vais me programmer une petite rétro de sa filmographie d’antan pour me laver les yeux parce que je ne vois pas comment un type qui fait Reporters ou San Clemente, peut s’égarer dans un tel désert créatif.