Au départ, pour moi le cinéma a souvent été une histoire de scénarios. Les films que j'aimais le plus étaient ceux qui arrivaient à me raconter la meilleure histoire, la plus originale, la plus percutante. J'ai toujours aimé les coups de force scénaristique, lorsqu'on s'impose une contrainte pour ne rendre le film que plus savoureux et éblouissant. C'est surement de là que vient mon amour pour Hitchcock, ou pour les huis-clos.
Mais cela commence à faire quelques mois où ce n'est plus le seul critère à me toucher à travers un film. Je commence à rechercher de l'esthétisme. Cela à du surement commencer par le biais de film avec de grandiose mise en scène comme Drive ou 2001: l'odyssée de l'espace, qui arrive à coupler une histoire intéressante avec une claque visuelle. Et je pense que Les Harmonies de Werckmeister concrétise complètement cette tendance, en arrivant juste après un autre coup de coeur du genre: Elephant de Gus Van Sant.
Car que ce soit dit tout de suite, l'histoire des Harmonies de Werckmeister ne m'a ni intéressé, ni touché. Pire, je trouve que c'est dans les moments un peu plus narrés que le film m'a le moins intéressé (comme le saccage et ce qui s'ensuit), et c’est son aspect technique et esthétique qui m’a transporté.
Parlons d’abord du plus évident : les plans-séquences. Rare sont les films qui prennent les plans-séquences par ce bout-là. Souvent le plan séquence est là pour sa signification (Birdman et l’imaginaire), pour être une contrainte de mise en scène (La Corde), ou pour redynamiser/créer une rupture dans son film (Les Fils de l’Homme ou Old Boy). Mais ici rien de ça, c’est pour son esthétisme. Car 2 choses rendent ces plans-séquences originaux :
D’abord leurs manières d’être filmé. Concrètement un spectateur qui ne sait pas que ce film est quasiment constitué que de ça, en ratera la plupart, tant ces plans séquences sont fluides, montre exactement où va l’esprit du spectateur à un tel point qu’on ne sait plus si c’était une image continu ou de bête champ-contre champs, j’en prend pour exemple l’ouverture du film, dont je me suis aperçu de sa nature qu’à la toute fin du plan. Quelque part arriver à en faire oublier un plan séquence à quelques choses de grandiose. La contrainte est tellement maitrisée qu’elle n’est plus vu comme telle.
Ensuite la photographie de tous les instants. Une raison qui est très lié à la première, car sans celle-ci, ces plans séquences ne se ferait pas si fluide et invisible. Car ces plans sont constitué d’une telle manière que quasi chaque prise de vie pourrait être une photo, chaque composition d’image est presque parfaite et on se retrouve à voguer de plans marquants en plans marquants sans qu’il n’y ait aucun cut entre eux.
D’ailleurs si je dois saluer une prouesse dans ce film, c’est bien sa photographie. Une photographie qui me réconcilie définitivement avec le noir et blanc contemporain (souvent un partie pris esthetico-intellectuel qui tourne à vide). Le travail sur la lumière et sur la composition est admirable, que ce soit dans des images éclairés (où l’image joue plus sur l’espace et sur le placement des différents personnages entre eux), ou dans des images obscures (où on s’intéresse du coup au peu de lumière et à son placement). Vraiment un gros coup de cœurs là-dessus, on arrive à rendre des images de Peter Fritz devant un camion qui passe d’une beauté absolue.
Le dernier point qui me parait intéressant dans ce film est son rapport au temps. Car Les Harmonies de Werckmeister est un film composé quasi-exclusivement de plans-séquences très lent, et donc du coup agit forcément un peu sur le temps. Si ce film m’a un peu lassé sur sa fin, le visionnage de ce film a eu l’effet de me mettre complètement hors du temps. Un visionnage où l’espace d’un clignement d’œil, 15 minutes se sont déjà passé. Où les demi-heures se suivent comme des minutes. Il ne se passe pas grand-chose. Et pourtant ce pas grand-chose est captivant, envoutant. Et la musique, entrecoupé de long silences, en est surement pour quelques chose.
En conclusion, si les Harmonies de Werckmeister n’est pas un film à mettre dans toutes les mains, c’est un gros conseil pour tous ceux qui aiment la mise en scène et l’esthétisme dans un film. Ou tous ceux qui aiment, ou au contraire sont fâchés, avec le noir et blanc.