1) Je sous-note ce film mais c'est à la hauteur de ma déception, et surtout de l'incompréhensible avalanche de 10 et de 9. C'EST POUR FAIRE CHUTER SA MOYENNE.
2) Au début on est ébouriffé par la première scène, un plan-séquence magique (comment arriver à faire ondoyer des poivrots pas jeunes et pas frais au rythme d'une ballade dans le système solaire sans que ce soit ridicule... Chapeau). La deuxième scène itou, qui ressemble à une fin de film, c'est bien. Comme on est encore porté, on fait abstraction de l'ignoble musique que même Jane Campion elle oserait pas, une espèce d'emphase sirupeuse façon symphonie du pauvre (pauvre, et plouc).
3) Après on commence à essayer de faire sens des scènes, à partir du monologue d'un des innombrables oncles du personnage principal : ainsi donc Werckmeister avait tort de rechercher l'harmonie, il faut au contraire de la disharmonie... Soit. Parallèllement on prend note que ça commence à comploter dans la ville (je pencherais pour Székesfehérvár, vu que c'est la ville au taux de suicide le plus élevé de Hongrie, et on comprend très bien pourquoi, quand on voit la ville);
4) Arrive la femme. Elle incarne, comprend-on une volonté de retour à l'ordre dans cette ville où tout part en sucette, un ordre genre «pur et nouveau», vous voyez ce que je veux dire ? Et voilà une femme ambitieuse qui contraint son ex-mari à recruter du monde pour faire de l'**O**rdre (j'ai pas bien compris la méthode, mais tout ça étant allégorique, je me dis que c'est pas bien grave). Lui, parce qu'il est veule, parce qu'il veut préserver son traintrain quotidien (c'est lui qui philosophe sur Weckmeister), accepte, en sachant pertinemment ce que cela va entraîner.
5) Et c'est là que le scénario, qu'était jusqu'à présent pas bien épais (mais ça me gênait pas !), se met à vouloir gonfler en scènes-choc, en philosophie-toc et en musique-ploc. Pour illustrer les horribles ignominies des hordes fascistes qui, déferlent dans la ville, le réalisateur se met en tête de les filmer cassant du malade et du matos dans un hôpital. Un hôpital qui pue à cent lieues l'usine désaffectée maquillée à la hâte par des décorateurs et accessoiristes pas super super équipés. Cette pauvreté se ressent, et ça aide pas pour la métaphore, déjà pas très subtile. Alors, tout seul dans son fauteuil (il y a huit spectateurs dans la salle de 300 places), on commence à moins aimer le film. Et là c'est le drame.
6) Attention, je vais révéler un moment que j'ai trouvé bête à pleurer. Passez au paragraphe suivant si vous ne voulez pas le connaître.
Alors que les hordes fascistes s'acharnent donc, deux des mectons bas du front se penchent dans un bel ensemble vers des rideaux qu'ils arrachent et qui révèlent — un vieil homme nu et donc fragile, debout dans sa baignoire (heureusement il n'est pas trop maigre, sinon en prime on avait le droit à l'allusion aux camps de la mort). Attention c'est pas fini: les deux mectons se regardent et l'un des deux secoue la tête, manière de dire que quand même, là, y sont allés trop loin et qu'y pourront pas tabasser aussi ce vieil homme. Ah, et j'ai oublié, la musique, qu'a repris, enflée, insupportable. Perso à ce moment j'aurais bien tapé à la fois sur les mectons et sur le vieillard, rien que pour la forme.
7) Et là on se met à ne plus tolérer le personnage principal, qui est un simplet gentil – et qui joue très bien le simplet, je dis ça sans ironie [si ça m'arrive, nda]. Mais à ce stade-là on en a marre de ses «csokolom(¹)». Et puis, allez je vais encore vous gâcher le plaisir en révélant la fin :
IL DEVIENT FOU (parce que le fascisme, et la guerre qu'il cause, c'est mal, c'est sale, et ça rend fou les purs, tu vois la métaphore, spectateur, la métaphore tellement énorme qu'elle te colle une migraine nauséeuse, à moins que ce ne soit la musique, qu'est vraiment poly-gerbante?)
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8) Et donc en sortant de la salle on n'a plus envie de rien aimer du film, mais comme on est un senscritiqueur juste et droit, on reconnaît qu'il y a des passages sublimes, des plans-séquences fabuleux, des lumières géniales. C'est pourquoi ce film garde la moyenne.
9) Je réalise que j'ai réussi à faire to-ta-le-ment l'impasse sur la baleine(²), et franchement je suis impressionné.
Gros bisous et désolé d'avoir été si long.
(1) : Tiens, parfais ta connaissance du hongrois ! C’est le reste d’une formule traditionnelle («j'embrasse [votre main]»), adressée par les jeunes enfants pour saluer respectueusement leurs aînés, des deux sexes. Passé huit ans (genre) elle est réservée aux femmes.
(2) : Métaphore de je sais plus quoi mais qui implique la grandeur de dieu et de ses œuvres.