Quand j'ai lu Carrie, je savais à peine qui était Stephen King, et je ne crois pas en avoir lu d'autres de lui depuis. Quant à savoir pourquoi j'ai ouvert ce livre... Mystère et boule de suif.

J'ai malgré tout été surpris par trois choses.

Un, ce n'est pas un livre d'horreur. Une histoire horrible, certes: pauvre petite fille martyrisée par sa mère, fondamentaliste chrétienne folle à lier (pléonasme), qui détruit une ville par vengeance et par désespoir. Mais ça ne correspond pas à l'idée que je me fais de l'horreur-à-faire-dresser-les-cheveux-sur-la-tête, comme chez G. Masterson (dont je n'ai lu que la Maison de chair).

Deux, c'est un roman entrelardé, disons à 40 %, d'extraits (fictifs) d'autres livres, d'articles, rapports et dépêches de presse, qui servent à expliquer le phénomène de la télékinésie, affiner la psychologie de certains protagonistes et comprendre le déroulé de l'histoire. Ça surprend agréablement, et ça permet à King de communiquer des informations par petites touches, en n'utilisant d'une soit-disant source que ce dont il a besoin sans se perdre dans des préliminaires trop longs.

Trois, surtout, c'est un roman féministe, au sens où les femmes non seulement y sont très présentes (les deux personnages principaux sont des femmes), mais surtout n’y sont pas du tout des petites choses passives et fragiles. Ce sont elles qui décident et agissent, voire influencent les hommes pour qu'ils agissent selon ce qu’elles souhaitent. C’est le cas de Christine Hagersen vis-à-vis de cette brute sale de Billy Nolan, et bien sûr de Susan Snell vis-à-vis (mais avec l'accord) de Tommy Ross. Or lire des histoires qui cherchent à échapper aux attributions stéréotypées fait toujours du bien. J'irais même jusqu'à dire que l'histoire n'est tant celle de la chute de Carietta White que de l’épanouissement de Susan Snell, puisqu’après tout elle est examinée longuement et sort largement changée du traumatisme qu’elle vit. «Examinée», elle l’est par trois biais: d’abord la narration de King, ensuite par elle-même à travers (cf point deuxsupra) les extraits du livre qu’elle a publié, enfin par les rapports de la commission White. Sous ce triple éclairage, elle apparaît comme une adolescente orgueilleuse, trop intelligente, trop mature et d'une lucidité soufflante sur la vie toute tracée qu'elle s'apprêtait à mener, et qu’à l’évidence elle ne pourra pas suivre après le drame.

Pour le même prix vous aurez droit à un morceau d’anthologie, un peu facile mais ça fait toujours mouche, dans la confrontation juridico-bluff entre le méchant-papa-avocat-riche-et-puissant et le petit-proviseur-du-lycée-revenu-de-tout autour de la punition infligée à la fille du premier, l’infâme Christine Hagersen.

À part ça, y'a le film de Brian de Palma, qui n'a clairement rien, mais alors rien, compris au bouquin (on me souffle que c'est aussi un pléonasme). Un jour je ferai une liste des titres qu'il vaut mieux avoir lus que vus [note de plus tard: c’est fait: https://www.senscritique.com/liste/Liste_des_oeuvres_qu_il_vaut_mieux_avoir_lues_que_vues/53226].

Bestiol
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le 6 nov. 2023

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Bestiol

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