Après des années à me faire bassiner les esgourdes par le dernier prophète de la cinéphilie masturbatoire, je profite honteusement d'un Adobâtard aviné pour combler enfin cette grave lacune et assouvir surtout une curiosité de plus en plus dévorante. Mieux vaut Tarr que jamais.
Afin de donner au film ses meilleures chances, je me réserve une après-midi en solitaire, avec petite veisalgie en prime, ce qui m'oblige à rester patient et me remplit en général d'une tolérance dont profitent honteusement les pires films de l'histoire.
Ca commence de façon intrigante, la Hongrie en noir et blanc, le bar qui ferme, le poêle qu'on éteint au pichet, le plan séquence majestueux qui s'installe, moi j'aime beaucoup. Bon, après, s'il s'agit de faire tourner la lune autour de la terre autour du soleil je me serais bien passé de faire en plus tourner la caméra sur le tout, franchement... Enfin, la lumière du plan suivant rattrape beaucoup de choses et puis, une belle photo, de jolis plans travaillés et soigneusement cadrés pendant de longues minutes, moi, en 2003, je suis pour, c'est vous dire si je suis confiant...
Valuska est une sorte de livreur de journaux un peu demeuré qui a l'air de servir de neveu à la moitié de la ville. Cette dernière vit des heures difficiles, des hordes violentes menacent ses nuits et l'arrivée d'une mystérieuse baleine fétide et d'une sorte de Moravagine ne vont pas arranger les choses...
Je suis persuadé que ce genre de film nécessite pour fonctionner les plus hautes qualités esthétiques et intellectuelles. Le service minimum ne suffit pas ici. Le film est beau et parfois brillant, il aurait dû être sublime et s'approcher du génie. Oui, parce que sinon, très vite, les gros défauts apparaissent et on se rend compte que le réalisateur n'a pas grand chose à dire derrière tout ça. Les métaphores les plus convenues s'enfilent comme des perles et la vanité de l'ensemble se fait de plus en plus cruellement jour.
C'est joli parfois un long tableau sur un écran, mais ça peut vite devenir froid et figé, comme cette balade sur la place du marché, ou pire, lorsque le déchaînement de violence se révèle absolument grotesque, lourd, appuyé, malhabile et se termine ridiculement sur un vieillard nu dont on se serait bien passé...
Et puis assez vite, suivre un attardé mental au faciès de ragondin antipathique ça épuise, ça n'aide pas, ses diverses rencontres intéressent de moins en moins, il y a de la post-synchronisation assez grasse, et la musique n'est pas utilisée le plus subtilement du monde.
Avec ça on a l'impression que le réalisateur a tellement soigné chacun des trente-neuf plans qui composent les deux heures vingt-cinq qu'il en massacre allègrement les liaisons, ce qui a chez moi un effet d'agacement des plus désastreux.
Je vous avoue que dans de moins bonnes conditions, j'aurais pu devenir assez sévère pour ce film, mais ma faiblesse physique et mon amour du plan-séquence m'obligent à une forme de gentillesse coupable qui va tellement loin que j'ai presque envie de m'essayer aux sept heure trente du Tango de Satan, ce qui doit être du pur masochisme, parce que franchement, trois fois ce que je viens de voir risque de me donner des envies de massacre à moi aussi.