Andrea Arnold s'est lancé dans un pari casse-gueule (adaptation d'un classique de la littérature anglaise) et s'en sort incroyablement bien ! Pourquoi ? Parce qu'elle prend l'histoire et la tournevire un peu pour la faire sienne.
Pas d'adaptation ampoulée, puriste, linéaire, académique et sans imagination.
Dans ce film là, le roman de Brontë prend une ampleur différente, personnelle sans être infidèle.

Choix de l'animalité, de la bestialité, de la chair, très marquant et très intense. Avec beaucoup de tensions dans les corps, et très peu de mots.
Des regards tout le temps, partout. Des yeux qui se cachent dans les murs, dans les fissures, derrière les fenêtres. Ils s'épient, se guettent, se cherchent, s'observent. Comme des bêtes se tournant autour, s'accoutumant, se méfiant.
Une vraie danse de la séduction et de la peur.

Je n'ai, malheureusement, pas trouvé les acteurs tout à fait à l'aise là-dedans. Pas dans la majeure partie du film en tout cas (il y a évidemment des scènes qui fonctionnent terriblement). ça pèse sur l'ambiance générale, qui est déjà lourde.

Les décors sont évidemment à tomber. Incroyable Nature. Fougères, brume, troncs d'arbres, rochers, et le Vent. Ce Vent qui souffle constamment, qui grognent ou ronronnent, qui semblent un souffle de vie, de passion, de folie.
La réalisatrice part souvent de détails, un brin d'herbe au premier plan, le reste tout flou, puis un changement de mise au point, et c'est toute une vallée qui apparaît sous nos yeux. ça donne une respiration tout en gardant un enfermement (la brume quasi permanente, le paysage entouré de montagnes, l'horizon coupé).
Elle n'a pas très bien su diriger ses acteurs principaux vers la folie brute qu'elle essaye de faire apparaître, ni le côté mystique avec les apparitions, les tortures sur les animaux, la branche d'arbre contre la fenêtre...
Dommage.
Je ne sais pas très bien quoi penser du format carré (à la mode ces derniers temps...) : gadget qui le fait ? pour accentuer le côté "vintage" ? pour souligner le cadre fermé, restreint ?

Mais, c'est un film incroyable, qui laisse plein de traces à l'intérieur. Dans les yeux, les oreilles. Qui parlent à nos sens avant de s'intéresser à notre raison.

Adaptation osée, et réussie !
(Et je la met tout de suite parmi mes pti chouchou : Gus Van Sant et Kelly Reichardt ! Avec un lien avec le Bright Star de Campion)
Queenie
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le 12 déc. 2012

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Queenie

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