Nouvel apôtre du devoir de mémoire qui ne prend pas la peine de se déguiser, on appréciera au moins sa franchise (d'ailleurs, il commence par dire qu'une image n'est jamais innocente, elle a toujours un sens). Pour le reste, le film est à diviser en deux parties, qui s'attaquent à des thématiques distinctes. Dans une logique de cinéma à la française, elles concernent respectivement le "vivre ensemble" et le "rappellons de la barbarie", via l'intermédiaire du Concours National de la Résistance et de la Déportation, dont le thème de l'année 2009 était "les enfants et adolescents dans le système concentrationnaire nazi". Thème taillé sur mesure pour le film qui veut alors toucher les jeunes générations, et peut être devenir une petite étape du programme scolaire par projection en cours d'éducation civique (je n'en ai reçu aucun pour ma part, il était remplacé par du cathéchisme en école privée).
C'est Marie-Castille Mention-Schaar qui est aux commandes de l'objet, autant dire la réalistrice de cet étron filmique qu'est Bowling (abominable apologie du mélangeons nous tous quelques soient nos classes sociales par la médiocrité et sous l'étendard de la gauche humaniste doublé d'un jeu d'acteur pathétique). C'est dire si je partais à reculons devant cette affiche. Mais bon, j'aime me faire mal et persister. Et bizarrement, ce (télé)film a une approche un peu réaliste des tensions en communautés, en tout cas assez vivante pour être plausible. Si on passe l'introduction du film qui n'a aucun engagement (une ancienne étudiante vient chercher son diplôme voilée, la remise de ce dernier lui est refusée pour atteinte à la laïcité dans un bâtiment public (ce qui est complètement absurde, tout le système éducatif public se couche dans de telles circonstances, au grand maximum une remarque)), le fonctionnement des élèves issus de différents milieux n'est pas si mal dépeint, dans sa logique de groupe en face de l'adulte (qu'ils mettent constamment à l'épreuve) et dans ses quelques points communs qui font fonctionner les gens par bloc. L'Islam est d'ailleurs celui qui entraîne le plus de réaction, et également un fraîchement converti met tellement d'orgueil dans la manifestation de sa religion qu'il en devient un élément perturbateur (ce qui est, pour un film de gauche, particulièrement engagé). En bilan, c'est bien l'activité commune dans un groupe et une volonté commune d'organisation qui crée un certain esprit de promotion, assez pour tirer le groupe vers le haut, et en cela, l'exercice du devoir de mémoire pourrait passer pour réussi. Surtout quand le film nous dit directement que la promotion 2009 a vu 20 élèves sur 27 avoir le bac avec mention. Il faut néanmoins rappeler qu'entre le concours et le bac, il s'est passé deux ans, ellipse un peu grande, mais on peut accepter la (re)prise en main de leur destin par une prise de conscience (le pourcentage de réussite au bac n'a toutefois jamais été en dessous de 80%, et la bonne note du lycée ne laisse pas vraiment craindre de très forts problèmes de sécurité ou de précarité).
On en arrive au devoir de mémoire. Sujet houleux car totalement rigide dans la conception de la "version officielle" et intégralement tourné vers les témoignages des survivants de l'holocauste. Le problème du film est essentiellement qu'une fois encore, il ne cherche pas un seul instant à comprendre l'histoire, les causes et les mécanismes de pouvoir qui ont entrainés la montée du nazisme, ses motivations et l'édification des camps. On est toujours dans une complaisance émotionnelle tirée sempiternellement vers le drame larmoyant (que de grosses gouttes versées par les élèves pendant ce tournage, devant le témoignage de Léon Zyguel ou ces photos de survivants décharnés) et l'émotion devant des oeuvres de fiction (la bande dessinée Auchwitz) au détriment de faits historiques et d'évènements précis. Doit-on rappeler qu'on fait finalement peu de nuances sur la vie dans les camps malgré les nombreux témoignages (parfois contradictoires ou fantaisistes) ? Mais comme le dit la merveilleuse professeure éclairée : "l'Histoire, il ne faut pas l'apprendre, il faut la comprendre." Une belle phrase qu'il aurait fallu mettre en application, car le ressenti devant un choc n'est en aucun cas une compréhension. Il n'y a pas de vérité dans le traumatisme. Ce n'est pas parce que l'on est heurté, et donc sincère, que l'on est dans le camp de la vérité ou du bien. Ce culte du sentimentalisme devant le choc pousse à s'exprimer subjectivement, bien sûr dans un contexte où tout est fait pour aller dans la même direction sans donner de repères pour rationaliser la découverte et se prendre du recul pour vraiment analyser et comprendre, c'est de l'engagement passionné et à fond, façon idéalisme irréfléchi ou gentillesse histérique. Et d'ailleurs, ce travail qui a valu un prix d'excellence à la classe de seconde 1, pourquoi ne jamais nous le montrer ? J'ai cherché, il n'est pas disponible sur le net. Laissez nous apprécier aussi le travail de cette génération ayant réagi à la révélation du devoir de mémoire, eux qui doutaient tant au départ de leur capacité à être apte à en parler. D'où un certain climat de morosité de ma part (pour faire écho aux formules de madame Gueguen) en face de cette enième version de l'histoire romancée par les sentiments d'étudiants qui utilisent des supports plus ou moins historiques pour bâtir leur propre vision de la shoah et remodeler l'histoire avec leurs mots et leurs sensations, pour finir toujours par citer quelques témoignages et remporter un prix.