Il n'aura fallu qu'un seul jeu vidéo pour revoir complètement ma vision de la guerre en dépréciant les grandes traversées héroïques au profit de scénarios plus sombres et torturés montrant ce qu'est la véritable guerre. Sans "Spec Ops : The Line" qui narrait l'histoire d'une escouade de trois hommes perdus dans une mer de cadavres et basculant peu à peu dans la folie, peut-être que jamais je ne serai sorti du carcan spectaculaire du conflit armé. "Les Hommes contre..." est un énième exemple renforçant mon amour pour ce type de récit où les envolées laissent la place au bourbier, au triomphe le désespoir. Telle est finalement l'essence même de la guerre et non une simple aventure romancée, voire pire une hagiographie de très mauvais goût.
Mais parlons en du titre qui est la première chose qui interpelle. "Les Hommes contre...". Remarquons les trois petits points dont la signification est évidemment de laisser le doute sur l'ennemi qu'ils devront affronter. Contre quoi ce régiment de fiers soldats italiens doivent se battre ? La réponse n'est pas nécessairement l'armée autrichienne qu'ils ont en face d'eux et que l'on ne verra pour ainsi dire que de très loin, à peine si l'on parvient à identifier un visage de manière précise. Le "contre" peut se rapporter à la gouvernance au sein de leurs tranchées. Difficile de ne pas songer au chef-d'oeuvre absolu "Les Sentiers de la Gloire" qui n'illustrait pas l'ennemi comme étant l'adversaire direct mais plutôt les généraux alliés. Ce qui lui aura valu des représailles de la part d'associations d'anciens combattants. Après, ne dit-on pas que la vérité dérange toujours quand elle est affreuse ?
Et c'est bien là le centre névralgique de la problématique du commandement, à savoir l'imbécilité notoire des hauts gradés et leur fierté mal placée. Même en faisant preuve de la plus grande impartialité qui soit en réfrénant ma pensée comme quoi une partie non négligeable de ceux manipulant constamment les armes seraient des abrutis finis, il s'agit d'être objectif 2 secondes. L'histoire et faits d'armes ont suffisamment montré les dérives de la 1ère guerre mondiale et le régime de terreur que l'on imposait aux soldats sous couvert de patriotisme et de mort glorieuse sur le champ de bataille. C'était grosso modo ce que l'on reprochait aux japonais durant la WW2. Tout un processus d'endoctrinement a été élaboré pour gaver comme des oies les soldats. La désobéissance était fréquemment synonyme d'exécution sommaire pour l'exemple voire de court martiale pour les plus chanceux (c'est-à-dire quasiment aucun). Après, y avait-il seulement quelqu'un pour rappeler que ces assassinats à tire-larigot était tout bénef pour l'ennemi vu que les rangs diminuaient en volume de soldats ? Ca serait trop demander à un général de ces années là de réfléchir, il est vrai.
Fort (mal)heureusement, face aux offensives suicidaires et missions débiles qui ne se soldent que par une mort vaine, les troufions vont commencer à remettre la bataille en question. Je dis "malheureusement" car les soldats lucides risquent à tout moment leur intégrité physique juste pour s'interroger. Il y a comme une sorte de pensée unique douteuse voire totalitaire qui flotte. Lentement mais sûrement la révolte gronde et c'est tout à un arsenal d'injustices auxquels nous aurons droit. Certains n'hésiteront pas à se blesser volontairement pour s'extirper de ce carnage. D'autres s'enfuiront pour se faire tirer dessus comme des lapins. La scène la plus marquante restera de loin les autrichiens incitant verbalement les italiens à retourner dans leurs tranchées en leur criant de ne pas mourir comme ça, comme de vulgaires cibles sans défense à la merci du bon vouloir de dirigeants devenus cinglés.
"Les Hommes contre..." filme un sacrifice gratuit, sans aucune valeur, profondément révoltant par l'impuissance de ces hommes qui n'ont aucune considération de la part de chefs antipathiques, bornés et enfermés dans une bulle de prétention absurde. S'il n'en arrive pas au niveau des "Sentiers de la Gloire", il s'en rapproche tout de même fortement qualitativement parlant. Une oeuvre nécessaire et moralement infâme qui se doit d'être redécouverte de toute urgence.