Au départ, j'avais prévu de visionner Les Hommes du Président avant Pentagon Papers, le dernier-né de Steven Spielberg. Heureux hasard ou simple signe du destin, j'ai fini par voir le film de Pakula en second, et c'était ce qu'il fallait. Tout d'abord, simplement car la toute dernière scène du film de Spielberg se raccorde directement à la première scène des Hommes du Président. Mais, également, car cela me permet d'avoir un référentiel pour voir sur quelques points les films se complètent et sur quels points ils peuvent être comparables, vis-à-vis de leur traitement des faits et de leur point de vue.
Est-il réellement pertinent de confronter deux films réalisés à des époques aussi différentes ? De par la proximité certaine de leurs histoires et des faits qu'ils décrivent, il paraît surtout intéressant de voir à quel point les différences qu'ils proposent ont une influence sur les impressions du spectateur. Les Hommes du Président est un film qui favorise la proximité avec les personnages, avec une réalisation ne s'attardant que sur l'essentiel et excluant le plus possible des éléments superflus et synthétiques, comme beaucoup de films des années 1970. Le film d'Alan J. Pakula a presque quelque chose de documentaire dans sa construction et dans son rythme.
L'intérêt des Hommes du Président est de restituer les faits de l'intérieur, d'exposer les coulisses des révélations liées au cambriolage du Watergate et aux longues investigations qui ont conduit à la démission finale du président Nixon. On est vraiment aux côtés des journalistes, on patauge avec eux, les éléments se succèdent très vite, on se perd mais on est en même temps happé par ce flot d'informations qui nous font saisir l'ampleur de l'affaire. D'aucuns pointeront probablement du doigt les éventuelles redondances et l'étirement du récit, mais il s'agit en réalité de choix réfléchis qui ont pour but d'illustrer la difficulté rencontrée par les journalistes pour remonter la filière, de décortiquer leurs pratiques et d'alourdir le poids des révélations qui se succèdent. Encore une fois, la méticulosité et le souci du détail sont mis en avant pour mieux retranscrire les faits et le cheminement de l'enquête de Bob Woodward et Carl Bernstein.
Le duo Robert Redford - Dustin Hoffman fonctionne à merveille, les deux acteurs campant parfaitement le rôle de ces deux jeunes hommes obstinés et à l'opiniâtreté inéluctable. Malgré le danger, ils demeurent investis et font preuve d'une grande intelligence pour éclaircir les zones d'ombre qui obscurcissent cette enquête. Car Alan J. Pakula laisse une grande place à l'ombre, qui est omniprésente dans ce film. Elle cache le visage de Deep Throat dans le parking, mais aussi c'est aussi celle qui cache les noms à la tête du scandale, ou encore celle qui plane au-dessus des journalistes, qui risquent ici leur carrière voire leur vie. Le mystère plane, les secrets doivent rester tus et les informations s'entassent dans des petits carnets qui se cachent dans les poches d'une chemise.
Là où je reprochais à Pentagon Papers son côté très classique, prévisible et tendant à l'embellie parfois un peu excessive, le film de Pakula simplifie la mise en scène pour mettre en avant la complexité de l'affaire dans un récit immersif et très prenant. Sans superflu, Les Hommes du Président expose, décrit les coulisses d'une incroyable enquête et parvient à entraîner le spectateur avec lui, le rendant presque partie prenante. Une réussite sur tous les points.