Unique incursion d’Howard Hawks dans la comédie musicale, Les hommes préfèrent les blondes a tout du pur produit de son époque : un technicolor éclatant, deux stars sémillantes, des numéros chantés grandiloquents, (non supervisés par le cinéaste, très peu à l’aise avec ce genre) et une intrigue assez limitée. Adaptation d’un immense succès à Broadway, le film assume totalement sa légèreté et ne s’embarrasse d’aucune complexité : les rôles sont caricaturaux, les situations prévisibles et l’alternance entre la comédie un peu paresseuse et les numéros chantés assez mécanique.
Il faut donc faire abstraction de toute cette artificialité, qui contamine aussi le jeu des comédiens, Marilyn n’étant pas particulièrement convaincante, et tous les rôles masculins relégués à une pantomime assez désastreuse.
Le film reste cependant assez agréable à regarder, principalement pour sa valeur historique et contextuelle. Tout d’abord, pour cette mise en place d’un rôle qui deviendra la marque iconique de fabrique de Marilyn, la blonde platine aux grands yeux et la mine boudeuse, et dont on nous donne ici les coulisses. Payée un dixième du salaire de Jane Russell, la star du moment, la timide et névrosée comédienne met en place le personnage qui fera son succès fantasmatique. Et force est de constater que cette stupidité vénale affirmée en dit long sur les mécanismes nécessaires pour que la femme puisse tirer son épingle du jeu. “I can be smart when it's important, révèle-t-elle, avant d’ajouter : but most men don't like it.”
Cette lutte des sexes et des classes prend ainsi à bras le corps la rigidité des 50’s américaines qu’elle satirise avec une grande aisance. L’insolence avec laquelle la blonde apparemment idiote revendique son ascension sociale déborde le cadre de la pure comédie. Lorelei, le personnage incarné par Marylin, en fait la démonstration imparable :
“Don't you know that a man being rich is like a girl being pretty? You wouldn't marry a girl just because she's pretty, but my goodness, doesn't it help? ”
Hommes et femmes, riches et pauvres, poupées et satyres se rejoignent ainsi dans la ronde des compromissions et des tartuferies. Certes, le final remet, comme au bon vieux de temps de Marivaux, l’ordre et la morale en ordre de bataille, mais certaines déclaration auront pu, à la dérobée, décaper le vernis un peu trop brillant de ce produit de grande consommation.
(5.5/10)