Les Implacables
7.1
Les Implacables

Film de Raoul Walsh (1955)

Western où la romance et le désir rythment les épisodes de l'action dans un périple somptueux

Robert Ryan, beau joueur, dira à la fin de Clark Gable, au sourire superbe et qui a constamment maîtrisé son éthique et son humanité face à lui, avide et ambitieux : « Il représente tout ce qu'un enfant voudrait devenir et, une fois qu’on est vieux, ce qu’on voudrait avoir été » : il résume ainsi le climat de leurs péripéties westerniennes partagées.

Elles sont captivantes même si elle sont plutôt classiques, et si l’action a un rythme plutôt tranquille.

Le film entrelace les projets et les actes d’une femme (Jane Russel) et de  trois « Tall Men » : des « hommes grands » dans le sens de - c'est ce que chante Jane Russel - « not small men », soit le contraire d’hommes mesquins, et non pas les "Implacables » du titre français, ce qu’ils ne sont pas - aucun d’entre eux - y compris le rival déloyal de Gable joué par Robert Ryan.

Dans une nature majestueuse, les conflits de loyauté (fraternelle, amicale, ou amoureuse), la romance et les escarmouches résultant des guerres indiennes sont servis par des dialogues incisifs, elliptiques et drôles et nous donnent des moments de comédie réussis.

Cameron Mitchell, éternel second rôle dans d’innombrables westerns, souvent cantonné à se montrer patibulaire et buté, joue cette fois le jeune frère de Gable, téméraire mais alcoolique, tourmenté et sarcastique, mais il a gardé le sens de la famille.

Raoul Walsh, qui se marre derrière la camera encore plus que tout le monde, lui colle un gant accroché à sa ceinture, comme une énorme main plaquée sur son sexe, quand il s’approche de Jane Russel qui se baigne dans la rivière. 

C’est d'ailleurs la récurrence des allusions au désir sexuel qui donne tout son rythme au film, qui lui apporte son charme et sa grande originalité. Les allusions aux ébats amoureux, suggérés mais non montrés, sont constantes : ils sont rappelés, regrettés, espérés de nouveau par Gable et Jane Russel, qui n’arrêtent pas de s’enlever leurs bottes réciproquement quand ils se rapprochent, de se les retirer tout seuls et tristement de leurs propres pieds quand ils s’éloignent l’un de l’autre, tandis qu'une magnifique couverture indienne à motifs blancs et rouges, leur couverture d’amour, passe de l'un à l'autre, assortie d’une chanson dont Jane Russel invente des paroles de circonstance (très équivoques) à mesure que leurs rapports évoluent.

Cette romance entre une plouquette plantureuse qui a un grand rêve de Californie et un aventurier coureur de jupons mais assagi dont le rêve plus modeste est un petit ranch au Texas est émouvante et souvent hilarante.

La romance structure les épisodes successifs de l'action : elle ne se contente pas de l’agrémenter comme dans la plupart des westerns.

Et le gunfight final est évité de justesse par une parade mimétique et dissuasive en face à face des amis armés de l’un et l’autre rival (Gable et Ryan) : leur surenchère calme le jeu entre les "Tall Men".

Sur un scenario de Sydney Boehm et Frank Nugent, avec une photo de Leo Tover en De Luxe avec le consultant couleur Leonard Doss, ce film est pour moi un des trois plus beaux westerns de Raoul Walsh, le premier étant Distant Drums (Les Aventures du Capitaine Wyatt) 1951, et le dernier, A Distant Trumpet (La Charge de la 8eme Brigade) 1964, son dernier film et mon western préféré. 

Dans Les Implacables, l’ampleur des mouvements de bestiaux, vaches et chevaux, dans le convoi qui va du Texas ensoleillé et poussiéreux au Montana montagneux et enneigé, donne envie de revoir un autre de ses grands westerns, en noir et blanc celui là, l’épique « The Big Trail » ("La Piste des Géants ») de 1930. 

Il faut savoir que Walsh a grandi dans ces milieux là et a vécu beaucoup dans son ranch au milieu des troupeaux où il fut blessé plusieurs fois - mais il ne s'en lassa jamais.

(Note de 2018 publiée en nov. 2024)

Michael-Faure
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