Un attroupement, un cercle, une performance. Certains accompagnent de gestes d’entrain, d’autres filment. Pas de décor, si ce n’est l’obscurité d’une scène et la noirceur d’un plateau : le regard n’a rien d’autre à admirer que les corps.
Les danseurs se succèdent sur le modèle d’une hiérarchie connue d’eux seuls, quittant la périphérie pour aller vers la lumière et rejoindre leur frère de lutte. Hommes, femmes, massifs, musculeux, le visage marqué par une intensité qui n’exclut pourtant pas le sourire se tancent, se jaugent, brisent l’immobilité que le sort semble exiger d’eux.
Le regard est presque clandestin : nous sommes dans le cercle, la caméra hésite, se fraye un passage, vole des fragments, se cogne à la percussion des corps, ne quitte jamais la hauteur d’homme : le rite nous happe, la transe se propage.
En guise de cadence, la rythmique légèrement amplifiée de la musique en tout point improbable de Jean-Philippe Rameau : Les Indes Galantes, 1725, mise en corps par une troupe de danseurs de Krump. Cette danse, issue notamment suite aux émeutes raciales de 1992, se pratique comme une proposition cathartique : intégrer au corps la colère, la haine, les élans, et les transformer en une énergie positive par une danse qui, si elle donne à voir la brutalité, n’en est en réalité que la sublimation.
La fusion s’impose comme une gifle : la splendeur baroque se leste d’une majesté nouvelle, tandis que la collectivité prend littéralement son envol.
Les Indes Galantes, ou comment donner corps à la rencontre : entre la rythmique d’une chorégraphie et d’un montage, entre deux époques que trois siècles séparent, entre une musique française et sa relecture urbaine, entre un cinéaste et un lieu, le plateau de l’Opéra national de Paris.
…Et au terme de cette montée en puissance, cette jubilatoire et utopique évidence : l’art seul pourra sauver les hommes d’eux-mêmes.
https://youtu.be/9h9HP-VOJv4