APRÈS SÉANCE
Avec un oscar, le meilleur démarrage de l’histoire pour un film d’animation et 633 millions de dollars de recette, Les Indestructibles fut une des pierres (précieuses) bâtissant l’âge d’or des studios Pixar. Quatorze ans plus tard, le second opus atteint le même niveau de recette en seulement une semaine et réalise le huitième meilleur démarrage de tous les temps, tout genre confondu. Et malgré tout, la saga des Indestructibles peine à vraiment m’intéresser. Déjà parce que cela devient une saga, la cinquième de la firme à la lampe de bureau après Toy Story, Cars, Monstres et Cie et Le monde de Nemo. Ainsi depuis 2010, six films Pixar sur dix a été une suite ou un spin-of, montrant leur incapacité à véritablement se renouveler depuis l’étonnant Là-haut (malgré le petit éclair de génie Vice-versa).
Et puis, très paradoxalement, les aventures de la famille Paar ne m’ont jamais trop hypé. Pourtant, toutes les bonnes conditions étaient réunies : A la sortie du premier opus, j’étais en plein dans la cible des 10-15 ans et jusqu’à aujourd’hui mon intérêt pour les superhéros n’a cessé de grandir. Alors les deux épisodes des Indestructibles sont de bons films d’animation, à n’en pas douter, mais de là à mériter les notes de 7,0 et 7,6 (au 27 juillet 2018) … J’ai comme un doute.
Bref, Les Indestructibles 2 est une suite dans sa définition la plus primaire : Le démolisseur vient de faire surface, la ville est en danger. Les Paar, en plein instant familial dégoulinant de bonheur, interviennent malgré la prohibition des superhéros. Une fois la menace écartée, le constat de la sphère médiatico-politique est désastreux : un super-vilain dans la nature et des dégâts énormes dans toute la ville. M’ssieudame Paars, partagés entre colère et frustration, sont contactés par DEVTEC une multinational chébran souhaitant réhabiliter les superhéros en prenant en main leur communication. Elastic Girl va alors devenir le porte-drapeau des superhéros en croisade pour redorer leur blason.
SUR LE FOND : 6 étoiles
Comment dire, c’est à la fois ce qui avait probablement de mieux à faire et un développement assez décevant. Dans cette suite directe, nous avons une structure narrative copiée-collée sur le premier opus : une intrigue super-héroïque entrainant un des parents pendant que le second garde les enfants bridés dans l’utilisation de leurs pouvoirs. Une fois dans une mauvaise passe, c’est finalement la famille entière qui sauvera le parent isolé. Je désamorce d’emblée les louanges féministes du style « C’est la femme qui est au centre de l’action et l’homme qui s’occupe des enfants ! ». C’est vrai, je ne peux pas le nier, mais les scénaristes n’avaient pas réellement le choix. S’ils avaient fait l’inverse, ils auraient simplement ressorti du placard le script du premier Indestructibles. Je pourrai également surenchérir avec le fait que la solution de Bob Paar, après avoir trimé pendant 4 ou 5 scènes, est d’emmener bébé chez une femme (Edna Mode) afin de dormir 17 heures d’affilées…
Done properly, parenting is a heroic act... done properly.
On ne peut alors que constater le cruel manque scénaristique des Indestructibles 2. Si on s’efforce tout de même à voir le bon côté de la chose, on peut relever une certaine cohérence dans l’ADN des deux opus. Tout comme Les Indestructibles, cette nouvelle aventure reste avant tout un film sur une famille (de superhéros) avant d’être un film sur des superhéros (en famille). Cette homogénéité est évidemment contrainte par l’enchainement direct des deux épisodes, on retrouve donc naturellement l’univers rétro-futuriste propre à la franchise. Cet univers a bien entendu été modernisé tant sur le fond, avec le train à sustentation magnétique par exemple, que sur la forme, les techniques d’animation ayant fortement évolué en quatorze ans. Toutefois, cette actualisation n’opère pas de rupture avec le premier opus. On retrouve l’esprit des Indestructibles, très influencé par les films d’espionnage des années 50, James Bond ou encore Mission : Impossible.
Au début des années 2000, les films de superhéros commençaient à peine à prendre leur essor. Les seules grosses productions se résumaient aux deux premiers volets des X-men et de Spiderman de Sam Raimi. Aujourd’hui, on baigne dans cette culture super-héroïque, Marvel (pour ne prendre qu’eux) sortant en moyenne trois films par an. Les Indestructibles 2 intègre ce nouveau contexte et aborde la remise en cause des superhéros, leur démystification. Même si le premier opus était précurseur concernant ces thématiques, Watchmen : Les Gardiens, Avengers : l’Ere d’Ultron, Civil War, Thor : Ragnarok et Justice League sont aujourd’hui passés par là…
Les personnages non plus ne sont pas très originaux, leurs superpouvoirs répondant toujours à leurs stéréotypes. M. Indestructible est fort et protecteur comme doit l’être la figure paternelle. La mère de famille, sur laquelle repose la « charge mentale » doit être multitâches et flexible pour toutes les situations comme Elasticgirl adaptant la forme de son corps à volonté. L’ado solitaire et mal dans sa peau Violet s’isole autant par son comportement que par ses champs de force. Fleche est la représentation du gamin hyperactif et un bébé louant toujours son lot de surprises, Jack-Jack se voit offert un pot-pourri de pouvoirs. D’ailleurs, comic relief / running gag de Jack-Jack s’essouffle vite à mon sens, à en devenir presque lourd.
I missed Jack-Jack's FIRST POWER !
Actually you missed his first SEVENTEEN !
Bon, il y a du bon tout de même. Par exemple, l’idée, la représentation et les motivations de l’Hypnotiseur sont très intéressantes et auraient mérité plus de développement. La personne derrière tout ça saute aux yeux dès les premières scènes mais c’est un badguy intelligent qui fera criser les épileptiques.
SUR LA FORME : 6 étoiles
On prend les mêmes et on recommence ! Stephen Schaffer au montage, Michael Giacchino à la musique et évidemment Brad Bird au scénario et à la réalisation. Ce dernier, capable du meilleur (Mission Impossible : Protocole Fantôme) comme du pire (A la poursuite de demain), revient à son premier amour : l’animation. Après Le Géant de fer, Les Indestructibles et Ratatouille, Brad Bird rempile donc avec la famille Paar.
En signant en 2011 le plus grand succès de la saga Mission : Impossible (j’écris ces lignes avant la sortie de Fallout…), Brad Bird fait son nid (poutoum tchaaa) dans le monde des films d’action. Il tire aujourd’hui les enseignements de cette rentable expérience et réalise avant tout un film d’action, accessoirement en animation. En frôlant les deux heures, Les Indestructibles 2 épouse davantage les codes du film d’aventure super-héroïque que ceux du dessin animé.
La comparaison ne se résume pas qu’à ce détail d’horloge, les scènes d’action sont réellement bien écrites et restent très lisibles. La scène du train ou l’entrée dans la planque de l’Hypnotiseur par exemple sont dignes d’un blockbuster en termes de tension et d’intrigue. De plus, les différents pouvoirs des protagonistes sont bien utilisés pour servir l’action notamment ceux de Voyd. L’utilisation de portails multidimensionnels aurait très vite pu devenir complètement illisible mais c’est réalisé avec beaucoup d’intelligence. On comprend ce qui se passe et on profite du spectacle.
La musique participe également à inscrire Les Indestructibles 2 dans l’esprit des films d’action. Déjà aux manettes des Indestructibles – premier du nom, Michael Giacchino signe ici une « nouvelle » BO orchestrale et efficace dans la lignée de celles des films d’espionnage et de super-héros, comme il a pu déjà le faire et le refaire pour Mission Impossible 3 et Mission Impossible : Protocole Fantôme.
Num num, cookie?
Bref, Les Indestructibles 2 ne créé pas la surprise. C’est une recette déjà vu, à peine revisitée mais ça a le mérite d’être une recette qui fonctionne. Visuellement, les animations des studios Pixar sont magnifiques. L’eau, la glace de Frozone, les mouvements de cheveux sont super bien modélisés. Mais avec un budget de 40 Mutafukaz, meeh.
Bonus acteur : NON
Malus acteur : NON
NOTE TOTALE : 6 étoiles