" Des gens qui s'aiment, qui se racontent "
Qui sont ces invisibles ? Des êtres qui brisent nos conceptions, totalement. Une représentation de cette noble vieillesse, si mal représentée dans nos médias. Toujours vue soit malade, soit niaise. Et surtout cette vieillesse qui vit son homosexualité et qui, là, est invisible. Mais surtout les invisibles ce sont aussi des homosexuels joyeux, pétillants, loin (pas toujours) d'un discours victimaire. Ils aiment la vie, ils ont un regard sur cette dernière et sur les époques traversées d'une grande lucidité mais ils sont aussi frivoles. Pierrot, éternel amoureux éphémère, qui refuse d'avoir à expliquer pourquoi "je suis né comme ça" et qui a bien raison, est le plus insouciant. Ses mots sont balancés, sans arrêt, sans langue de bois, jusqu'à raconter ses premières découvertes sexuelles, dans le silence de la salle... Et puis, il y a ces gens qui s'aiment tout simplement, qui racontent comment la vie a été puissamment traversée de grands moments de bonheur et de grands passages à vide. Il n'est plus question d'être homosexuel mais de déplacer la norme, sans cesse, d'interroger, de bousculer, de ne pas oublier les combats d'autrefois.
Ce documentaire filme de front des discours mais aussi des vies avec amour, on le sent, sans jamais juger. Ces hommes et ces femmes se livrent sans far, ils expliquent alors "la main qui s'aventure". Et même si c'est cru, souvent c'est beau, drôle, touchant. Ils sont tous là: militants, amoureux, célibataires, frivoles, fidèles, insouciants. Les images d'archives viennent rappeler les combats menés alors. Dès lors, on sent que les femmes sont plus vindicatives car elles ont aussi contribué à l'émancipation des femmes, au combat (pas encore terminé) pour leur libération.
Le documentaire livre des paroles qui n'hésitent pas, des paroles libérées et souvent joyeuses. L'enfermement existe encore pour certains mais souvent ils s'aiment et rêvent même de mariage. Finalement ce sont des couples comme les autres, des êtres humains entiers, dans leurs défauts et leurs délicatesses. Un seul bémol ? Cette scène devant la gare, qui vient chercher l'émotion sans raison. Mais le reste n'est que beauté de la parole. Ce sont les êtres qu'on aime croiser dans un documentaire: qui ont tant à dire sur le "moi" et le "nous", faisant sans cesse un lien. Apportant à la collectivité une place passionnante. Une grande réussite. La vie passe, oui, mais avec amour et douceur, sans jugement, Sébastien Lifshitz vient chercher la parole de gens "ravis de donner leur avis sur la vie " et il en tire le meilleur...