Comme Tous les autres s'appellent Ali sorti deux ans plus tard, Les Larmes amères de Petra von Kant est un film à l'emprise unique sur son spectateur, où Fassbinder ne cesse par sa mise en scène, d'enfermer cette femme désespérément amoureuse d'une mannequin de milieu modeste. L'occasion pour Margit Carstensen de proposer tout son talent, à l'occasion des dernières quarante minutes d'une puissance dramatique admirable.
Par ses actions, Petra von Kant parait vouloir posséder d'abord Karin, plutôt que de l'aimer et de la garder sous son aile, c'est un motif que l'on retrouve chez Fassbinder, la bourgeoisie consommatrice de l'autre comme elle méprise les classes sociales, races et orientations sexuelles (homophobie pour la figure maternelle ici). Margit Carstensen interprète un personnage très ambivalent, pas nécessairement attachant pour la majeure partie du film, résolument complexe.
Admirable idée de proposer en sous-contexte, la violence faite sur la secrétaire, similaire à celle qui lui sera donnée en retour par la femme qu'elle aime. Utilisant les cadres de l'habitacle comme ceux pour faire prisonniers quatre à cinq personnages (ce plan fixe mémorable, où Petra von Kant attend l'appel de Karin, alors que sa famille est présente), Rainer Weiner Fassbinder évoque la violence faite à soi, et celle que l'on inflige aux autres. La secrétaire comme ombre d'une pièce soumise aux ordres de sa maîtresse, la bourgeoise aimera à sens unique, la mère méprisera. Paradoxalement, c'est la secrétaire qui en ressort libre, non sans affecter sa maîtresse. Chacun soumet, et reçoit violence.
C'est un portrait d'une société triste, encline à toujours plus respecter les conventions, alors qu'elle meurt de jour en jour, Tous les autres s'appellent Ali ira également dans ce sens à la représenter de la sorte.