La survie face à l'obsession

Ces deux là n'auraient jamais dû se croiser, ni se parler et encore moins entretenir une relation presque normale. Adapté d'une nouvelle, le film de Vadim Perelman nous entraîne dans une sorte de fable se déroulant en 1942 dans un camp de transit allemand, antichambre de la mort.
Gilles/Reza est un juif qui se fait passer pour un persan. Il est épargné mais sa survie est fragile. Il doit apprendre le farsi au capitaine Klaus Koch, chef cuisinier dans le civil et qui rêve d'ouvrir un restaurant à Téhéran.
Cette langue que Reza invente de toute pièce, souvent à partir des prénoms des juifs du camp, sera le fil conducteur du film. Et le lien ténu qui naît entre les deux hommes. Pour Reza qui se révèle hypermnésique, tous ces mots qu'il doit retenir, tout peut basculer dans l'instant. Pour Koch, l'obsession d'apprendre une langue qui lui ouvrira un avenir en Iran, se veut sans limite. Le rapport dominant/dominé évolue au fil des leçons. Une sorte d'équilibre s'installe.
Les décors réalistes et soignés rappellent la vie du camp, côté victimes et côté bourreaux. Des rapports humains où les jalousies, les bassesses, les éclats, la violence se dévoilent. Dans des rôles secondaires très crédibles. Mais c'est dans l'interprétation des acteurs principaux que le film gagne en intérêt. Nahuel Perez Biscayart est un bouleversant Reza. Quant à Lars Eidinger, (génial Richard III dans la mes de Thomas Ostermeier) il apporte durant ces deux heures une palette entière et talentueuse du jeu d'acteur. Un rôle à la mesure de ce comédien acteur (théâtre et cinéma) étonnant.