Les limites du cinéma Marchal
Marrant de se dire que j'ai pu (comme d'autres) encenser le cinéma de Marchal après "36". Enfin le retour du cinéma de genre et avec des couilles en plus, ça sent le cuir et la cordite, me disais-je. Et puis on repense à l'aveu du réalisateur qui prétend (?) être plus intéressé par la forme que par le fond... Une revendication pour le moins étrange sachant à quel point l'ancien flic utilise des histoires vraies et souvent proches de lui comme base à son cinéma.
D'autant que niveau forme, on est loin de l'impeccable, même une fois les règles du genre acceptées. La mise en scène est balourde (bien aidée en ce sens par une bande originale pleine de cordes geignardes), le spectateur est n'est jamais pris au dépourvu quand le flash back est venu, la galerie de gueules cassées inhérente au genre sonne déjà vue (et ils ont beau être père et fils, Simon Astier fait un très mauvais Lionnel Astier jeune) et le jeu d'acteurs est à l'image de celui de Gérard Lanvin depuis 10 ans : immuablement neutre.
Qui plus est, un déséquilibre se fait sentir entre l'intrigue des années 70's (l'ascension de Momon, qu'on a du mal à raccrocher à Lanvin), plus chaude, plus immersive et la contemporaine nettement moins efficace. Marchal semble finalement plus efficace en reproduisant la police de la fin du siècle dernier plutôt qu'avec les démonstrations de virilité militaire de ses réalisations modernes.
Quant au fond, on est en territoire connu : les beaux mecs et la parole-donnée-qui-voulait-dire-quelque-chose-pas-comme-maintenant-ma-bonne-dame-mais-quand-même-c'est-un-peu-un-mythe-tout-ça. Une histoire d'amitié (on est d'ailleurs un peu surpris de ne pas voir le meilleur ami du personnage principal mourir dans les 20 premières minutes, désolé pour le spoiler), de voyous mais avec des valeurs, etc... Et pour qu'on n'oublie pas qu'on est dans un film de genre, il faut que les personnages souffrent (ou alors ils ont le droit de faire la fête mais seulement pendant les mariages - encore un traumatisé du Parrain). Dans MR73, on devait subir 45 minutes d'alcoolisme et d'autodestruction glauque avant de voir Auteuil sortait un peu de son état de loque. Marchal aime les personnages taiseux (et la bonne grosse répartie virile aux accents désuets) et il a misé sur le bon cheval avec Lanvin. Qu'il soit dans la comédie la plus stupide de l'année (Camping) ou dans un biopic sur Monmon Vidal, le mec qui refilait des vannes à Coluche en son temps arbore toujours le même masque de vrai mec qui souffre en silence. Qu'on lui pique sa place de parking ou qu'on massacre ses meilleurs potes, Lanvin fait ce qu'il faut appeler depuis un moment déjà "du Lanvin". Et force est de reconnaitre qu'à force, je m'en lasse.
On ne passe pas forcément un mauvais moment mais il faudra supporter les travers de Marchal et notamment ses problèmes de rythme (ses longues scènes qui plombent ne savent pas s'arrêter) et cette tendance à verser dans un pathos qu'il a l'air de s'imaginer digne.
Dépassé par l'image qu'on lui a collée (et qu'il n'a pas combattue... peut être voulue ?) ou pas vraiment capable de faire vraiment mieux que ce qu'il a déjà fait ? Reste qu'il y a parmi tout ce maniérisme des choses intéressantes et des moments plutôt réussis, dommage qu'ils soient noyés dans le reste.