En 1943,Laurel et Hardy étaient plutôt en fin de carrière,leur collaboration ayant commencé dans les années 20 tandis qu'ils tourneront leur dernier film,"Atoll K",en 1951."Les maîtres de ballet",s'il ne fait pas partie de leurs chef-d'oeuvres, se situe cependant dans une bonne moyenne et compile les qualités et les défauts habituels de leurs productions.Comme d'habitude,le film est assez court,environ une heure,à la limite du moyen-métrage,et plonge les deux compères dans un milieu particulier.Les "Laurel et Hardy",c'est pareil que les bandes dessinées "Martine".Vous savez,"Martine à la plage","Martine à l'école","Martine à la ferme",etc..Les joyeux duettistes,eux,ont été envoyés au Far West,à la guerre,en Suisse,à l'université,entre autres.Cette fois,ils sont professeurs de danse mais,hormis lors des premières scènes,ce cadre ne va pas être utilisé,l'intrigue se focalisant sur les efforts de nos héros pour venir en aide à un jeune inventeur de leurs amis menacé d'être spolié de sa création.Ce qui donne lieu à un festival de gags,le gros et le petit,aussi maladroits que malchanceux,déclenchant un infernal enchaînement de catastrophes qui aggravent inexorablement leur situation déjà précaire.Le malheur d'autrui étant un puissant moteur comique,le film est généralement hilarant,d'autant qu'il est aussi fourni en gags visuels qu'en répliques désopilantes.Et puis le duo comique,bien rôdé,fonctionne à plein régime,les deux acteurs incarnant avec talent et précision des personnages puissamment dessinés.Entre les mines contrites et l'impassibilité résignée de Laurel et les airs excédés et les gesticulations désordonnées d'Hardy,il y a vraiment de quoi se marrer,les zigotos faisant en plus assaut de mauvaise foi et s'ingéniant à imaginer systématiquement les solutions les plus débiles à leurs problèmes,s'enfonçant parfois dans une vraie folie comme dans la scène de la vente aux enchères.Ce qui est un peu gênant,comme toujours dans leurs films,c'est le manque de profondeur de personnages qui sont de purs ressorts comiques et dont on ne sait finalement pas grand-chose.Qui sont-ils exactement?Comment en sont-ils arrivés là?Quelle a été leur vie avant?On n'en sait rien et,même si ce n'est pas très grave,ça limite l'empathie qu'on peut éprouver pour eux.D'ailleurs,on pourrait s'interroger sur un éventuel sous-texte homosexuel.D'une manière générale,Laurel et Hardy semblent asexués et ne fréquentent pas les femmes.Et même lorsqu'ils sont mariés,comme dans "Les compagnons de la nouba",ils ont épousé des mégères auxquelles ils cherchent surtout à échapper."Les maîtres de ballet" est particulièrement intéressant à cet égard.Voici deux types,profs de danse de surcroit,qui vivent ensemble dans la même maison,sans femmes à l'horizon,comme un vrai petit couple.Il y a le gros costaud autoritaire,mâle dominant,et le petit geignard qui danse en tutu et passe l'aspirateur à la façon d'une épouse soumise.Ca n'a pas paru interloquer le public de l'époque,naïf et innocent,mais avec le recul....évitons toutefois les rimes en "ule" sur ce sujet.Difficile de déterminer si les auteurs,eux,avaient des arrière-pensées et s'ils étaient dans la pureté inconsciente ou dans la roublardise vicelarde.Pour le reste,le réal Malcolm St.Clair emballe l'affaire avec célérité et le rythme ne faiblit pas,même si le scénario,plus qu'une histoire construite,offre une suite de sketches et des scènes se terminant de manière elliptique,le tout présentant une cohérence douteuse.A déplorer également l'utilisation de transparences trop voyantes lors de la scène de l'autobus.Les deux stars sont entourées d'une très bonne troupe de comédiens où se distinguent Trudy Marshall,jeune première vive et charmante,Margaret Dumont,ancienne complice des Marx Brothers,le sémillant Allan Lane en gommeux malfaisant,et un débutant nommé Robert Mitchum qui,malgré un tout petit rôle,imprime déjà la pellicule avec efficacité.