Je ne le connaissais pas bien mais Roland Joffé est semble-t-il un réalisateur très conventionnel, académique dans le mauvais sens du terme, et cette biographie de la course à l'armement nucléaire au travers de la conception de Fat Man and Little Boy entre 1942 et 1945 alimente ce ressenti. Je garde en mémoire des moments pas très agréables devant "La Déchirure" et "The Mission", mais ici il y a en supplément une surcouche d'académisme que je trouve tout particulièrement hideuse. Tous les artéfacts du biopic américain sont là, réunis soigneusement, et in fine très peu différents de ce vers quoi le genre a évolué au cours des décennies qui ont suivi. C'est l'histoire archi romancée de Robert Oppenheimer sous la direction du général Leslie R. Groves, au Nouveau Mexique, dans l'engrenage du Manhattan Project. Toutes les étapes du film à base d'épreuves (option scientifique) difficiles résolus par des gars et illustrant leur avant-gardisme sont réunies, les réticences initiales vite balayées, les découvertes déçues jusqu'à la découverte monumentale, les relations sentimentales sirupeuses, les erreurs qui conduisent à la mort tragique, etc. C'est une horreur à regarder de ce point de vue-là, d'autant qu'on a un palmarès de mauvaises interprétations phénoménal : Dwight Schultz est un non-sens total dans le rôle principal, Paul Newman est presque absent dans le rôle du chef d'orchestre militaire, et John Cusack est d'une transparence incroyable. De temps en temps la jeune Laura Dern montre le bout de son nez.
Sur le plan plus intellectuel, les conflits entre le responsable militaire et le cerveau scientifique sont soporifiques car inconséquents. La notion de doute de la part de ces chercheurs qui bossent sur l'élaboration d'une arme destructrice de cet acabit est très mal gérée. La présentation de la science est catastrophique. Les séquences "sensations" sont nulles : l'expérience avec Cusack qui tourne mal, et l'essai Trinity se résume à un reflet de l'explosion dans les lunettes de Schultz, avec le visage déformé par le souffle — peut-être le seul plan original et intéressant du film. Et puis là, il ne faut surtout pas penser au fait que Schultz, c'est Looping dans la série "L'Agence tous risques".
Pourtant, sur le papier, avec Paul Newman en vedette, Morricone à la musique et Zsigmond à la photographie, le potentiel était costaud. Mais rien du côté de l'ouverture d'une boîte de Pandore ou de la difficulté à initier la réaction nucléaire n'émerge de ce film.