Parfois, le seul vocabulaire commun ne suffit plus à définir une œuvre, il faut alors chercher des qualificatifs moins usités, à l’encre surannée, plus adaptés au sarcasme. S’il fallait associer « Les malheurs de Sophie » à un mot, un seul suffirait : godiche ! Un peu benêt, très maladroit et parfois d’une réelle gaucherie ridicule. Rien que ça !
Déjà par le passé, le roman phare (et pourtant tendancieux) de la comtesse de Ségur avait eu à souffrir d’une kitchissime adaptation infligée par un Jean-Claude Brialy meilleur acteur que metteur en scène. Ici ce n’est pas pire (il faudrait être vraiment un tâcheron), mais attristant. Parce que Christophe Honoré est un réalisateur aussi passionné que passionnant mais aussi parce que ça et là, la matière y est, prompte à nous y faire croire. Le choix de l’action sous l’Empire (ah ! les somptueux costumes de Pascaline Chavanne) est judicieux, l’œil toujours aussi candide d’Honoré fait mouche au départ et livre dans ces scènes bucoliques un réjouissant regard d’Epinal sur l’enfance, à cela s’ajoute quelques très beaux plans et deux ou trois idées bien enlevées (les toiles de maîtres qui s’animent notamment).
Seulement voilà, dès le générique ça coince. La musique d’Alex Beaupain (et pourtant j’adore cet excellent auteur/musicien) prête à rire. Avec ses accents à la Vladimir Cosma des mauvais jours on pense à tout moment voir surgir en pitre Pierre Richard (d’ailleurs il suffit de remplacer Sophie par Alfred dans la chanson leitmotiv et on est tout à fait dans l’ambiance !). Un peu plus grave, sa partition n’est jamais raccord à l’action. Mais il y a pire ! Caroline Grant, dans le rôle titre, pourtant choisie parmi 800 candidates, est tout simplement insupportable. On ne comprend pas non plus le découpage retenu, protéiforme à l’excès on passe d’une narration participative (autrement meilleure dans le film « Dans Paris) où l’acteur s’adresse au public, puis on revient à du linéaire, puis du décousu (les bêtises de Sophie arrivent en avalanche) pour virer à la cata avec une césure tentant de faire la jonction avec un autre roman, « Les petites filles modèles ». Ce bric à brac cinématographique même pas assumé, à l’interprétation très inégale a pour résultat de détourner l’intérêt. On se tape complètement du récit ! La seule qui réussisse à tirer son épingle à cheveux de ce jeu de massacre est Muriel Robin. En même temps sa prestation se calque sur ses précédentes, son jeu restant très monocorde.
Honoré capable du meilleur (« Les chansons d’amour », « Dans Paris ») comme de l’insipide (« Ma mère ») semble s’être totalement perdu dans son projet. Il ajoute une tonalité violine à sa filmographie bigarrée, couleur aux relents de naphtaline, mais aussi teinte du deuil. Car c’est bel et bien un enterrement de première classe pour le roman dont il s’agit, en matière d’adaptation cinématographique !