Si l'on devait résumer les films de Samuel Fuller à trois genres, ce serait ceux-ci : westerns, films noirs et films de guerre. Bref trois genres typiquement américains, que Fuller a élevé très haut avec ses métrages. L'indépendance du cinéaste n'a pourtant pas toujours été de mise, et c'est comme cela qu'il s'est retrouvé à réaliser des œuvres de commande comme Les maraudeurs attaquent.

Fuller a déjà 13 films à son actif (et quelques chefs-d'œuvre comme The Steel Helmet, Le port de la drogue ou 40 tueurs) lorsque la Warner lui propose d'adapter le récit militaire d'un soldat sous les ordres du général Frank Merrill. Réticent car sentant poindre l'œuvre propagandiste en faveur de l'armée américaine, et ne voyant pas l'intérêt d'adapter l'expérience militaire d'un autre plutôt que la sienne, Fuller finit par céder lorsque le producteur lui conseille d'envisager cela comme un « dry run » (expression militaire désignant une répétition avant une opération importante) à ce qui sera le chef-d'œuvre du cinéaste, The Big Red One. Le héros du film ne sera autre que Gary Cooper au départ, mais la mort de ce dernier poussera Fuller a choisir Jeff Chandler à la place. Le réalisateur sait d'ailleurs très bien s'entourer puisqu'il aura comme conseiller un ancien soldat de Merrill, tout comme l'un des acteurs sera lui aussi un survivant de la campagne de Merrill.

Si lors du tournage tout se passe bien, à l'exception de la santé dégradante de Jeff Chandler, on ne peut pas en dire autant des rapports entre le studio et Samuel Fuller : on sent le film de Fuller peu patriotique, on veut le remplacer, ce qui est d'ailleurs fait jusqu'à ce que les producteurs se rendent compte que le nouveau est nul, et ne garde qu'un seul des plans retournés. Ce qui n'empêchera pas la Warner de modifier le montage final, en incorporant notamment en guise de conclusion un défilé militaire ; ironie du sort, la critique de l'époque dira que seul ce défilé fait fictionnel dans le film ! Ombre au tableau : l'acteur Jeff Chandler ne verra jamais le film puisqu'il mourut peu de temps après la fin de tournage d'une crise cardiaque, ce qui poussa les détracteurs de Fuller à dire que le cinéaste l'avait épuisé...

L'ensemble de la critique de l'époque, bien qu'elle acclama la réussite globale du film, ne put s'empêcher d'y voir une œuvre propagandiste ; il convient pourtant d'observer attentivement le film avant d'émettre un tel jugement, et surtout de connaître la personnalité du cinéaste. Samuel Fuller n'a ainsi jamais caché qu'il détestait la guerre pour l'avoir vécue de l'intérieur, et n'a jamais voulu en faire l'apologie à travers ses films ; il déclarera ainsi que la plus belle critique pour Les maraudeurs attaquent viendra du fils du général Patton : « C'est formidable, mais il ne donnera envie à personne de rejoindre l'armée ! ». Fuller a toujours voulu dénoncer l'apologie que l'on faisait de la guerre dans les films hollywoodiens, et il le prouve d'ailleurs ici au travers d'un plan, assez simple mais très problématique pour les studios car très significatif : des soldats pris au piège dans un dédale de béton, tout le monde tirant sur tout le monde, les Américains sur les Américains et les Japonais sur les Japonais, le tout filmé en un seul panoramique. L'idée est très claire : la guerre est absurde, et on n'est jamais sûr de se faire tuer par l'ennemi plutôt que par son ami. Ce plan accompagné de l'ensemble du récit (finalement peu de combats, filmés d'ailleurs d'assez loin si possible comme si les soldats n'étaient que des fourmis) qui évoque le jusqu'au-boutisme imposé aux volontaires de Merrill, le combat à l'épuisement, un combat voué à l'échec dès le départ. La mise en scène de Fuller s'évertue donc à montrer comment ses hommes se sont battus et sont morts non pas en vain mais presque ; un constat très amer pour un film hollywoodien.

Hormis Jeff Chandler, admirable en colonel Merrill borné et fier, mais exemplaire pour ses hommes, peu ou pas d'acteurs connus peuplent le film, ce qui renforce un peu plus le côté humain et non hollywoodien du récit. Des acteurs qui, dans l'ensemble, sont assez justes.

Film ambigu de prime abord, mais très clair lorsqu'on y regarde de plus près, Les maraudeurs attaquent n'est certes pas un chef-d'œuvre, ni du cinéma, ni du cinéaste ; il est simplement un « dry run » de ce que sera The Big Red One, mais il contient assez d'éléments pour convaincre que c'est un bon film et dont la morale ne perd pratiquement rien de sa puissance malgré l'ajout idiot de la séquence finale par la Warner. C'était mal connaître Samuel Fuller de croire que cela changerait de beaucoup la qualité du film.
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le 27 sept. 2010

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