Dasse Baute
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Avril 1945. Près de Royan un français rentre chez lui tandis qu’à Oslo l’Europe nazie s’embarque à bord d’un U-boot à destination de l’Amérique du Sud. Attaqués par la flotte alliée lors du passage de la Manche, sans médecin à bord, une équipe est envoyée à terre en enlever un, c’est l’homme de Royan.
« La vie en commun est décidément un supplice chinois assez raffiné »
La traversée enferme les protagonistes, les isole du monde tout en les jetant les uns sur les autres. C’est le jeu des secrets et des révélations,
de l’Europe en guerre. Ici, la promiscuité tue l’intimité. Chacun se cache et chacun s’observe. Entre un général courtois, un nazi enragé flanqué d’une petite frappe d’amant, un patron italien et son épouse, un scientifique suédois et sa fille, le médecin observe la nature humaine de ces maudits semeurs de camarde. Bientôt la nouvelle de la mort du Führer tombe les masques : là où l’industriel italien feignait la soumission naît le désir de liberté, là où la confiance en l’autorité régnait naît le doute, où se tenait la résignation des faibles vient l’espoir, la détermination devient certitude, aveuglement. L’unité de façade se désagrège dans les aspirations toutes personnelles à la survie.
Les Maudits, c’est un
qui n’a plus où se cacher.
Le rythme et la forme anodine, sans grandes envolées, racontent ce temps qui s’étire et se confond dans l’éternité de l’enfer les uns sur les autres. La mise en scène est parfois trop distante, pas assez engagée, mais rejoint en ce sens la prudence du narrateur, le médecin Guibert – interprété par Henri Vidal, meilleur à l’écran qu’en voix-off. Les comédiens sont acceptables dans l’ensemble, Paul Bernard interprète un journaliste français collaborateur avec finesse et justesse, Jo Dest l’idéologue nazi qui tourne dictateur avec jubilation, et le jeune Michel Auclair prête sa gueule d’ange à la brute insoumise. Les combats, malheureusement, sont ridicules : des gamins qui font semblant de se battre. Et la séquence d’extérieur autour d’un débarquement avortée est malvenue : trop longue, hors sujet, un peu plus de dix minutes hors du propos.
Hors du propos, mais magnifique : la photographie d’Henri Alekan et les choix de point de vue dans le hangar à café y sont splendides. Angoissants. Extraordinaires dans l’unité du film. Une respiration dans l’enfer du sous-marin. Belle, agréable. Mais trop longue.
« On ne respecte que les morts qui ont été des vivants respectables »
un pan de l’histoire du cinéma français, qui s’amuse ici d’un morceau d’histoire européenne pour jouer à Jean-Paul Sartre dans l’exiguïté sous-marine. Sans effets, avec un réalisme simple et franc. Respect Henri Alekan plus encore, maitre des lumières du grand noir et blanc hexagonal, qui pose ici les contrastes à appuyer autant que les discrétions nécessaires à servir au mieux la narration.
Les Maudits a reçu le Grand Prix du Film d’Aventure et Policier à Cannes en 1947, et l’angoisse tenue qui fait l’ambiance de ce huis-clos est certainement l’une des motivations de cette récompense. Une ambition assumée dans un film assez réussi. René Clément ausculte ce qu’il advient de l’homme quand il affronte la défaite, les symptômes sont tangibles et le verdict sans appel : lâcheté, honte et terreur, folie et fuite. Les maux sont dits.
Matthieu Marsan-Bacheré
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Créée
le 24 nov. 2015
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