Je suis Méchant

Rien qu’avec sa bande-annonce, Les Méchants était déjà mal aimé du public qui s’était indigné de la mauvaise qualité des comédies françaises de ces 20 dernières années. Il est assez curieux de voir la haine qui est déversée chaque jour sur le cinéma français et de constater, aussi, que ses détracteurs ont une méconnaissance totale de ce cinéma. Et en fait, ce qui est arrivé au film est exactement ce qu’il dénonce. Se faire son propre avis devient de plus en plus difficile à cause des médias (ici les réseaux sociaux) qui diabolisent tout et n’importe quoi sans pouvoir laisser une piste de réflexion individuelle. Ce n’est pas parce qu’un film est comique qu’il ne peut pas être intelligent et contenir un mode de pensée.

Puisqu’on parle de la comparaison avec les autres (mauvaises) comédies françaises, la différence est frappante (en plus d’être évidente) : il y’a une envie de cinéma.
Bien plus que simplement vouloir faire rire, la mise en scène a du sens. La direction artistique est, elle aussi, travaillée et intéressante. Le montage est dynamique, original. La photographie de Marco Graziaplena sublime l’image, et c’est d’ailleurs là où est parti la majorité du budget du film. Alors lorsqu’on voit que Présidents d’Anne Fontaine, pour prendre un exemple récent, fait rire et contente des spectateurs alors qu’il ne s’agit que d’une série de champ contre champ qui ne se raccordent même pas et qui n’ont aucune intention cinématographique, on ne peut que trouver cela désolant.

On suit tout le long du métrage deux gros galériens, Sébastien (génial Roman Frayssinet) voleur de console et sans-abri notoire et Patrick (Djimo qui fait parfaitement du Djimo) « un élu » halluciné proprio d’une boutique qui devront essayer de réchapper d'un quiproquo qui fera d’eux les Méchants les plus recherchés de France.

Sur leur route ils croiseront des personnages plus loufoques et hilarants les uns que les autres. Entre un Anthony Bajon rappeur carcéral qui essaie de renouer avec son enfance, un Mathieu Kassovitz en réalisateur tolérant, Alban Ivanov en humoriste extrémiste ou Ludivine Sagnier en journaliste prête à tout pour faire de l’audience, impossible de pas trouver son bonheur.

L’avalanche de caméos peut rebuter certains, pourtant les interventions de chacun permettent d’ajouter un petit plus au capital sympathie du film. Tous les acteurs jouent leur partition à merveille dans un morceau qui comporte quelques fausses notes certes, mais qui reste un moment qui ne prend pas en otage son spectateur. La durée du film n’est que d’environ 1h15 et ce serait de la mauvaise foie de dire qu’on s’ennuie devant.

On peut noter quelques blagues de mauvais goût pouvant rebuter, mais qui relèvent plus de la maladresse que véritablement du message anti-gauche. Et ce serait oublié in extenso les malines trouvailles d’humour du film, à l’image de cette organisation secrète malveillante menée par un certain Kheysuss qui rappellerait presque le meilleur du youtube d’un autre temps.

Le film fait rire car il dépeint la réalité : on laisse la parole à des personnes qui véhiculent des messages haineux, ou qui n’y connaissent rien. Le peuple est représenté par des individus sous-qualifiés qui ne comprennent pas les gens. Rien que la réplique de Kyan Khojandi « On a peur de la police ?! » caricaturale certes, est loin d’être éloignée de la réalité. Les Méchants montre que la société nous force constamment à nous ranger du côté de ceux qui prennent la parole sans véhiculer une quelconque vérité. Les médias pointent toujours du doigt une certaine partie de la France, le plus souvent des minorités. Diabolisées trop souvent par les informations dans un but de rassurer une partie de l’élite bourgeoise française qui se dira « ça n’arrive qu’aux autres ». Des minorités qu’on ne résume qu’à une identité religieuse comme si croire était responsable de tous les maux de la France.

Le film est caricatural et satirique néanmoins il n’en demeure pas être une réflexion sensée sur la société actuelle et sa sphère médiatique saturée. Le long-métrage de Mouloud Achour est victime comme ses personnages d’une mésentente totale, accompagné d’un procès d’intention sans queue ni tête. Pourtant, Les Méchants reste une comédie dramatique efficace sans prétention, un vent de fraîcheur dans le paysage comique français et un pari osé mais réussi.