D’un côté, nous avons Gustavo, musicien amateur et propriétaire d’un magasin de musique à Buenos Aires. Personnage bohème, Gustavo ressemble un peu à un ado attardé dans le corps d’un trentenaire. Son minuscule appartement est un vrai fouilli de vêtements, de vaisselle et d’instruments de musique, et il passe une grande partie de son temps à fumer des joints et à faire la fête avec ses amis.
De l’autre côté, nous avons Ceci, qui semble être l’exact opposé : stricte, organisée, vivant dans un appartement lumineux, spacieux et bien rangé.
Entre les deux, il y a les trois enfants que Gustavo et Ceci ont eus, Amanda, Manu et Laura (dite Lala). Trois enfants qui, comme toujours dans les cas de séparation, passent leur temps à aller d’un parent à l’autre.
Puis, un jour, Ceci annonce à Gustavo qu’elle et son conjoint vont partir au Paraguay car une meilleure opportunité de travail s’y est présentée, et qu’ils emmènent les enfants avec eux.
Chronique d’une famille décomposée ? Les Meilleures Intentions parle de cela, évidemment, mais ne s’y limite pas et, surtout, ne tombe pas dans le piège du larmoyant mélo.
Le premier film d’Ana Garcia Blaya est d’abord une chronique familiale vue à hauteur d’enfant. Pendant une grande partie du film nous adoptons le point de vue de l’aînée, Amanda, 10 ans. Une enfant qui aime son père, qui est heureuse d’être avec lui, de profiter des moments de liberté qu’offre le mode de vie bohème de Gustavo, et qui, en même temps, se retrouver obligée d’assumer, parfois, le rôle de l’autorité parentale, à tel point que son père n’hésite pas à la surnommer “Ceci junior”.
Il suffit de quelques plans, en ouverture de film, pour comprendre que Manda est habituée à se débrouiller seule, à prendre ses propres décisions, et ainsi à combler certaines lacunes de son père. Ainsi, c’est elle qui va, seule, faire les démarches pour demander une bourse scolaire,ce dont Gustavo n’avait jamais eu la moindre idée.
L’une des réussites du film provient du fait que jamais la réalisatrice ne juge les personnages. Il ne s’agit pas ici de prendre le parti du père joyeusement bohème contre la mère trop stricte, ou de la mère réaliste contre le père immature. Comme des enfants aiment leurs deux parents, nous sommes amenés à voir les qualités de chacun des personnages. Comme l’indique le titre, nous sommes amenés à voir en chacun “les meilleures intentions”, à voir comment, malgré leurs différences, Gustavo et Ceci sont avant tout prêts à tout mettre de côté pour le bien de leurs enfants.
D’ailleurs, le film va aussi montrer l’évolution de Gustavo, prêt à assumer plus clairement ses obligations parentales, à vraiment gagner sa vie, avoir un meilleur logement… La situation oblige le père à comprendre les limites de son mode de vie, qui peut être idéal pour un célibataire mais qui convient peut-être peu à un père de famille.
Les Meilleurs Intentions va principalement se concentrer sur les émotions vécues par les personnages. La réalisatrice va réussir à capter les instants de vie, sans jamais insister ou forcer les choses. C’est la justesse du ton qui constitue peut-être la première qualité du film.
Ana Garcia Blaya ne le cache pas : son film est fortement autobiographique. Elle en avait écrit le scénario il y a une dizaine d’années maintenant, mais c’est à la mort de son père qu’elle a décidé de faire le film à proprement parler.
De fait, Les Meilleures Intentions nous propose une reconstitution remarquable des années 90, d’autant plus intéressante qu’elle sait se faire discrète et ne pas voler la vedette aux protagonistes.
Parmi ce souci de reconstitution, la cinéaste n’oublie pas de parler de la crise économique qui frappe l’Argentine et qui pèse sur les décisions des personnages. C’est à cause de la crise que Ceci doit partir à l’étranger. C’est à cause de la crise que le magasin de Gustavo ne fonctionne pas.
Le film est constitué, en partie, d’images prises au camescope, qui à la fois renforcent l’immersion au sein de cette famille et de cette époque et ciblent encore plus les émotions. Ces images renvoient aussi au caractère autobiographique du film, puisque, tout à la fin, nous avons les véritables images du père de la cinéaste…
La musique tient aussi une place importante, voire essentielle. Elle participe pleinement à la reconstitution, elle accentue aussi l’aspect autobiographique et colle au personnage de Gustavo. Cela donne certaines belles scènes, où l’histoire est suspendue le temps d’une chanson.
En bref, Les Meilleures Intentions est un beau premier film, une chronique familiale tendre et émouvante, qui sait ne pas tomber dans les pièges ou les facilités scénaristiques
Article à retrouver sur LeMagDuCiné