C'est une version télévisée, on ne pouvait pas vraiment faire mieux. C'est à dire que la mise en scène est basique mais cherche comme elle peut à photographier le symbolisme et le romantisme hugolien.
Beaucoup de raccourcis, même dans un film à rallonge à plusieurs épisodes il est très difficile d'englober tout ce qui se passe dans Les Misérables.
Ce que je trouve beau tout d'abord, c'est le jeu des acteurs. Lino Ventura dont je n'ai pas l'habitude (il faut dire que ce n'est pas ma génération), semble jouer la brute au cœur tendre, mais à part ça il capte bien le spectre de l'évolution de Jean Valjean, qui passe en effet d'un forçat abruti au travail à un véritable héros qui brille d'intelligence.
Javert ne m'a pas énormément convaincu chez Michel Bouquet, peut-être à cause de son visage un peu bouffi qui fait manquer de charisme au personnage, mais il a bel et bien la sobriété et la sévérité noire de Javert, donc à partir de là c'est correct.
Jean Carmet incarne à merveilles Thénardier, qui correspond très bien à la description du petit bonhomme aigris du roman.
La mise en scène a des éléments intéressants, comme le foyer de l'évêque de Dignes, très bien incarné par l'acteur aussi d'ailleurs dans son côté grâcieux, où il y a un jeu de lumière entre les bougies et l'obscurité. Ca représente à la fois la frugalité sobre du personnage et sa richesse généreuse.
Il y a de bons plans tout au long du film, dans les jeux de champ contre champ lors des dialogues, où à chaque fois qu'il y a une réplique mémorable du roman, la mise en scène suit avec la musique et le jeu de caméra.
Les ellipses sont bien faites aussi, je pense à la dégradation de Fantine qui perd ses dents et ses cheveux en plusieurs plans fixes, pour représenter le temps qui passe dans le roman, impossible à représenter dans les détails à l'écran. Il y a un beau jeu avec les saisons quand on montre l'ellipse de la relation amoureuse entre Cosette et Marius.
Voilà mis à part ça quelques défauts, comme les flashbacks assez lourds quand on veut montrer au spectateur le contexte de ce qui se passe, ou encore le répertoire de chansons de Gavroche qui se limite à une seule: "C'est la faute à Voltaire", alors que dans le roman on a toute une diversité de petites chansons de l'enfant avec la poésie argotique.
Bref, une adaptation télévisée correcte du chef d'œuvre hugolien, autant lire le livre mais si certains ne peuvent s'ouvrir à la culture des classiques littéraires français autrement c'est tant mieux. Et puis de toute façon le film ne prétend pas arriver au niveau artistique d'Hugo, loin de là... seulement tenter de le vulgariser à l'écran.
Voilà, Hugo aurait trouvé ça sympathique comme forme de pédagogie audiovisuelle, lui qui a combattu toute sa vie pour l'accès à l'éducation, et si ça peut inciter à lire le livre il ne pourrait que plussoyer.