A Clockwork Orange est un film que j'ai vu il y a plusieurs années et je n'ai jamais changé d'avis sur l'excellence de ce film, qui reste mon préféré de tous ceux que j'ai pu voir.
Tout est merveilleux dans ce film, le magistral Malcolm McDowell qui joue Alex, un criminel sadique et infantile comme on n'en a jamais vu, la mise en scène très souvent ironique et haute en couleur, les décors à la hauteur de la satyre grinçante du film, bref tout. Tout, tout, tout est réussi du travail de Kubrick jusqu'à celui de McDowell en passant par celui de probablement toute l'équipe qui a participé à ce chef d'œuvre.
Alors c'est quoi, une orange mécanique? C'est un être humain, tout ce qu'il y a de plus organique, avec ses pulsions naturelles, mais contrôlé et utilisé comme une machine.
Alex s'amuse bien à commettre des actes répréhensibles tout au long de la première partie du film, à partir de là, c'est une simple orange, qui se nourrit et se développe à sa guise. Il représente ce qu'il y a de plus pur dans le désir humain, le sadisme et les pulsions sexuelles. Véritable bête enragée sans foi ni loi, il est accompagné dans ses méfaits de la musique de Beethoven, et toute l'attention est portée sur lui, d'ailleurs dès le premier plan, et dans toute la mise en scène. Il est, comme tout au long du film, le centre de l'attention populaire. La façon dont il agit est montrée de manière très festive et décalée, comme si on montrait simplement, de son point de vue d'orange organique, ce que la violence et le sexe lui apportent comme plaisir.
Puis on a la seconde partie du film, où il est enfin arrêté et mis en prison. Les autres personnages qui sont ses bourreaux ne sont pas glorieux, ils sont montrés comme tout aussi sadiques et pervertis que lui. On punit le méchant, les gens sont rassurés, le gouvernement profite de l'insécurité pour accroître sa popularité. Alex est défini par un numéro lors de son séjour en prison, et son corps est inspecté comme si on disséquait une orange, pour reprendre la métaphore.
Et c'est à la troisième partie du film où on comprend clairement où le film veut en venir, après que le gouvernement se rende compte que sa prison, sa religion sont inefficaces pour retenir les pulsions humaines, on décide d'une toute nouvelle méthode, contrôler Alex directement dans ses moindres faits et gestes, par un lavage de cerveau qui va le paralyser dans certaines situations. Il ne perd en aucun cas ses pulsions mortifères, il est simplement empêché de les satisfaire. On voit ici la logique fasciste, totalitaire du gouvernement qui pour se donner une bonne image utilise la popularité d'Alex, qui est toujours au centre de l'attention, pour accroître le soutien de ses citoyens. Le spectacle où Alex est montré face à ses pulsions impuissantes est d'ailleurs bien représentatif de cette logique où l'attention est centrée sur lui, au profit de ceux qui tirent les ficelles, il devient un spectacle vivant du citoyen modèle, alors qu'avant il était le roi du spectacle de tout l'inverse.
Alex est alors rejeté par la société vengeresse pour son passé de criminel, il est rejeté d'abord par ses parents, modèles de la société pour un individu, dans une scène très touchante d'ailleurs. Il rencontre ses anciennes victimes dans des péripéties cocasses, même ceux que la société rejettent se mettent au jeu de martyriser le bouc émissaire qu'est Alex, c'est à dire les clochards, les anciens voyous pouvant trouver place au sein de la police, et les opposants politiques comme l'écrivain. Quand l'écrivain prend connaissance de l'identité d'Alex, il l'utilise à son tour politiquement en le poussant au suicide pour dénoncer les méthodes du gouvernement. Il se prend alors au jeu politique, Alex devient un objet convoité dans un jeu de pouvoir, plus qu'une machine (donc mécanique) prête à être utilisé.
Et à la scène finale, qui est superbe, c'est là que le titre du film prend sens. Il a été une orange, il a été un robot, désormais il est les deux, c'est à dire une orange mécanique. Le pouvoir le laisse prendre contrôle de ses pulsions à condition qu'il accomplisse un but politique.
Voilà pourquoi je considère A Clockwork Orange comme une œuvre libertaire, toutes les manigances politiques sont dénoncées, qu'elle soit d'un côté (le gouvernement) ou de l'autre (l'opposition) qui tiennent hypocritement la morale comme une couverture. Le personnage immoral d'Alex met en jeu cette morale hypocrite qui peut faire changer l'opinion publique comme une girouette, allant de la lutte contre la violence à la collaboration avec cette dernière.
Maintenant, mettez un drapeau rouge et noir sur la tombe de Kubrick, qui a rendu hommage à l'antifascisme par son œuvre!