[L'histoire se déroule en Angleterre dans un futur proche. Alex Delarge est un jeune homme peu fréquentable et fou de Beethoven. Le malheur est que la violence, le sexe l'obsèdent autant que sa bande de malfrats: "les droogs". Les principales occupations de ce petit monde aux coups de poings faciles sont, les viols et les règlements de compte en tout genre. Un soir, lors d'un énième cambriolage, l' affaire tourne mal puisqu'un viol est commis suivi d'un meurtre. A la suite de cet acte, ses copains le dénoncent et Alex est aussitôt condamné et emprisonné. Afin d'être libéré de prison plus tôt, le jeune homme se porte volontaire pour suivre une forme de thérapie toute récente lancée à la demande du gouvernement à titre expérimental.
C'est ainsi que sur la base du principe des "réflexes de Pavlov", les spécialistes vont projeter sur un écran des scènes atroces afin d'associer celles-ci aux douleurs provenant de la drogue prescrite durant la thérapie au son de la "Neuvième Symphonie" de Beethoven. A sa sortie de prison, complètement déphasé et agressé par la société, il trouve asile sans le savoir chez l'une de ses anciennes victimes. Cet homme va alors tenter de se venger à son tour en profitant de la sensibilité exacerbée d'Alex pour l'amener au suicide en utilisant lui aussi Na "neuvième Symphonie". Toutefois le ministère de l'intérieur veille sur son cobaye en le sauvant de la mort.
Cette œuvre tirée du roman d'Anthony Burgess nous plonge dans une ère où règne en maître l'hyper-violence juvénile à laquelle s'associe l'obsession dévastatrice du sexe au sens le plus provocateur du terme. A partir de ces deux éléments, ce film s'attache à l'analyse du comportement que pourraient avoir l'Etat et la justice vis à vis du devenir de ces tueurs fous profondément inhumains et bestiaux. Alex fait partie de ceux-ci et les quatorze ans de prison qu'il devra purger seront-ils le bon remède à appliquer à ce genre de cancer rongeant la société? Pourquoi ne pas inventer un traitement susceptible d'ôter à ces êtres immondes toutes volonté, toute personnalité afin d'éliminer en eux tout jugement. Par cette méthode prescrite à Alex toute faculté de pouvoir faire un choix entre le bien et le mal lui est alors impossible. En fait par ce biais, ce traitement psychologique sophistiqué, les autorités se donnent un pouvoir incontestable au nom de la sécurité en formatant à leur manière ces personnages dans le but d'organiser la société selon les convenances idéologiques ou morales du moment.
Les tests particuliers que l'on fait subir à Alex avant qu'il retrouve une liberté qui n'a que le nom sont révélateurs du système mis en place. Il doit en public lécher les bottes d'un individu l'ayant violenté, ce qu'il fait, ou répondre aux avances d'une femme nue et offerte, ce qu'il ne parvient pas à faire. Après ces épreuves, vidé de toutes formes de jugement et de résistance, il va tenter de se suicider. A travers cette satire violente et virulentes, se dévoile le portrait type d'un régime totalitaire capable par des méthodes détournées d'influer à sa guise sur les mentalités d'un peuple en abolissant les droits légitimes à la liberté de choix et de jugement.
A la tyrannie des uns finit par s'opposer celle des autres prouvant de manière concrète que la violence engendre forcément la violence. Les sages paroles d'un aumônier confiant au jeune homme: "Quand un homme cesse de choisir, il cesse d'être un homme" se feront l'écho de la conclusion de cette satire lorsqu' Alex déclarera, ses instincts de violence une fois retrouvés,: "Je suis guéri".
Dans ce film Stanley Kubrick a choisi la manière forte afin de nous démontrer les méfaits que peuvent engendrer les effets ravageurs d'une société totalitaire au sein de laquelle tout agissement non conforme à l'ordre moral imposé par les instances dirigeantes est forcément répréhensible. Toutefois, malgré les moyens employés les plus sophistiqués, le naturel finit presque toujours par reprendre le dessus en libérant les bons ou mauvais instincts. Cette œuvre magistrale et très subjective souleva à sa sortie en salle bien des tensions, les autorités craignant qu'un tel sujet servi par de tels arguments et de telles images puisse avoir un effet néfaste sur la jeunesse.
En fait, ce film rencontre encore aujourd'hui une reconnaissance assez exceptionnelle qui hausse à juste titre "Orange mécanique" au rang de "film culte", film culte parce que cette analyse datant de 1972 et qui a suivi d'assez près le roman d' Anthony Burgess datant de 1962 est un hymne à la liberté de penser d'agir et de s'exprimer, la violence n'étant là qu'un prétexte pour amplifier le message que délivre le réalisateur. La violence de ces hommes abjects et sans scrupules, sapés de leurs tenues pour le moins bizarres et très intrigantes ainsi que les métamorphoses successives d'Alex, formidablement interprété par Malcolm McDowell emporté dans la frénésie du meurtre puis dans un monde artificiel avant de revenir à lui, sont aussi poignantes que captivantes.. Outre le film, la bande originale de celui-ci composée par Wendy Carlos, manifestement révolutionnaire à l'époque, est fort subjective et force est de reconnaître qu'elle est un élément quasi indispensable par son style pour amplifier l'ambiance très particulière de ce film.
Cette réalisation reste l'un des sommets du cinéma des années soixante-dix et Stanley Kubrick en tira gloire malgré la contestation de nombreux dirigeants qui virent ce film d'un très mauvais œil, lui trouvant une morale et des scènes très contestables et dérangeantes. En tête de liste figure la Grande-Bretagne qui ôta le film des affiches suite à des actes de violence de jeunes s'inspirant de l'action et non de la philosophie.
Le film ne ressortira des "cartons" qu'en 2000, après la mort de Stanley Kubrick. Nous recevons toujours ce message dix sur dix avec toute la réflexion qu'il inspire.
Note: 9/10