Réalisé à la fin des années 40 par Riccardo Freda le diptyque de L'évadé du Bagne - plus communément intitulé I Miserabili - adapte donc plus ou moins librement l'incontournable chef d'oeuvre de Victor Hugo. Sur plus de trois heures elles-mêmes constituées de deux parties d'égale durée le cinéaste retrace donc le parcours du célèbre Jean Valjean en offrant le rôle-titre au tout à fait crédible Gino Cervi, livrant ici une prestation physique et prosaïque dudit forçat.
La première partie reprend assez fidèlement les premiers chapitres du roman originel, en en conservant dans le même temps la narration circulaire... Nous sommes du reste moins dans l'adaptation que dans la traduction littérale des mots de Victor Hugo en images ce qui - dans le cas présent - est plutôt digne d'éloges. On retrouve ainsi Fantine, Javert, la petite Cosette et la famille Thénardier joués par une troupe d'italiens somme toute plutôt convaincants et ne dénotant que rarement malgré la langue différée. Néanmoins Freda oublie en grande partie la dimension torturée inhérente à Jean Valjean, particulièrement en ce qui concerne le procès de Champmathieu et la fameuse "tempête sous un crâne" à laquelle notre antihéros succombe avant la césure. L'ensemble de cette première partie reste en fin de compte efficace et digeste d'un bout à l'autre...
On regrette que la suite soit davantage traitée par-dessus la jambe par Riccardo Freda, celui-ci prenant beaucoup plus de libertés que durant les 90 premières minutes... au point de saboter certains passages clefs du roman de Hugo et de modifier certaines situations et - comble du comble - certains personnages. Ainsi les figures du Thénardier, de sa fille Éponine, de Gavroche ou de Enjolras n'ont qu'une place très secondaire dans cette deuxième partie, alors que la figure du colonel Pontmercy se voit fusionnée avec celle du baron Gillenormand pour un emploi de préfet de police sans intérêts. Seul le personnage de Javert parvient à être développé de manière conséquente et dans le même esprit que dans le roman de Victor Hugo. L'ensemble demeure toutefois d'une belle maîtrise formelle et technique, réussissant à ne jamais véritablement ennuyer malgré certains escamotages narratifs. Une adaptation honorable mais inégale.