Alors oui, j'avais bravé le froid du dimanche en me disant "tu peux pas rater Shame au ciné avant la fin de l'année, Shame ça va être sympa pour finir un week-end!", et puis évidemment tu pars au dernier moment, tu arrives devant le ciné blindé de monde et Shame, ben c'est complet et pour amortir le déplacement tu fais un peu la grimace en prenant ta place pour les Neiges parce que tu sais que les Neiges ça va être moins fun pour finir un week end !!
Et tu commences la 1ère demie heure du film et tu te souviens avec un certain dépit que Guédiguian n'est pas toujours un grand faiseur d'images, je veux dire par là que visuellement, c'est parfois chiant, convenu, on va dire que les finitions sont un peu bâclées quoi !
Les scènes de groupe surtout... Guédiguian aime tellement ses 4 acteurs favoris qui parcourent toute sa filmo depuis 15 ans, qu'il en oublie parfois que les 3è roles peuvent aussi exister autour : les enfants notamment (1ère scène de famille à la plage avec des acteurs employés comme des statues autour d'Ascaride parlant à sa fille), la figuration aussi (la scène de fête un après-midi qui, visuellement, sonnent étrangement faux quand on regarde autour du couple phare).
Bref, le début manque souvent de vie, de justesse, de spontanéité et même si c'est un détail, moi, ça m'irrite un peu. En fait, c'est un peu comme si on voyait un roman sur grand écran, les personnages principaux et le récit, eux sont nickels de A à Z mais autour, ça pêche parfois, sauf que dans le roman, le "autour", tu l'imagines, alors que dans un film, tu es censé le voir...
Je mets de suite une objection à ce que je viens de dire avec les 2 scènes géniales du serveur de bar.
Et puis arrive le vol de la "cassette" et Guédiguian se focalise sur ce qu'il sait faire de mieux, son histoire et ses personnages principaux.
Et là, plus le film avance, plus c'est passionnant.
Car cette histoire est bien actuelle et frappe où ça fait mal.
Pourquoi la société d'aujourd'hui est si individualiste ? si violente ? sans pitié ? si conformiste ? Que faire pour combler le fossé qui s'est creusé entre les générations ? entre ceux qui sont bien nés et les moins chanceux ? Pourquoi les gens ne savent plus se battre ensemble ? Qui écoute ceux qui passent leur vie à essayer de survivre seulement ?
Et Guédiguian tente d'y répondre pendant tout son film, et sa réponse, c'est de demander au spectateur de toujours chercher à comprendre pourquoi...
Oui, certaines générations ont eu la chance de pouvoir améliorer leur quotidien pendant des décennies, et même s'ils ont trimé, à l'abord de la retraite, ils peuvent encore en profiter aujourd'hui, et leurs enfants, souvent égoïstes et ingrats, aussi d'ailleurs ; mais pendant ce temps, d'autres n'ont pas eu cette chance et derrière les petites maisons de la côte marseillaise, les grands immeubles des cités leur font de l'ombre, et la compréhension entre les deux s'est perdue autour d'un quotidien de plus en plus dur pour tous.
Alors, la question est de savoir si aujourd'hui on décide de sauver sa peau en s'enfermant dans son petit confort ou si on cherche à comprendre pourquoi un jeune travailleur licencié qui rappelle à Darroussin sa propre jeunesse en arrive à l'agresser et le voler, lui-même travailleur licencié juste avant la retraite...
Aujourd'hui certains politiques se servent de ce manque de compréhension pour creuser encore plus l'écart et faire porter tous les maux de la société à ces moins chanceux qui se battent comme ils peuvent et se trompent parfois, et leur solution est souvent la répression et l'exclusion plus qu'ils ne le vivent déjà.
Guédiguian nous rappelle alors les mots de Jaurès qui viennent comme une sentence nous dire qu'on est tous responsables à notre niveau du monde dans lequel on vit. Et finalement, ce qui a toujours réussi à notre société, c'est de se battre ensemble contre ce qui ne va pas.
On ne peut s'empêcher de penser à l'universalité du thème de cette histoire et l'accorder à toutes autres franges et minorités de la société.
Et après 1h45 de film, tu en ressors bouleversé ... et tu te dis que Shame attendra bien encore quelques jours.
P.S. : un de mes potes joue dedans et je suis trop fier... Bravo Raf (le beau-frère) !!!
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