En signant une nouvelle version de Cape Fear, après celle remarquable de J. Lee Thompson en 1962, Martin Scorsese nous emmène dans un univers sombre et malsain où le mal, plus ou moins dissimulé, peut apparaître à chaque coin de rue.
D'abord le cinéaste américain a la bonne idée de proposer une version bien différente de son prédécesseur, que ce soit dans l'ambiance, les personnages ou même le contexte. Le point intéressant se trouve notamment dans la vision de l'avocat et bon père de famille à l'américaine, assez sain lorsqu'il était interprété par Gregory Peck, et assez amoral aussi, que ce soit dans son boulot ou sa vie privée. Cela rajoute un aspect malsain à l'oeuvre, Scorsese montrant ainsi que l'âme humaine n'est jamais bien claire et que la frontière entre le bien et le mal peut être très floue.
Les personnages font la réussite de ce Cape Fear avec l'opposition entre un Max Cady psychopathe, malsain mais malin et sachant jouer avec la loi et la police, et cet avocat qui va voir sa petite vie paisible partir en vrille. Autour d'eux, Scorsese n'en néglige aucun, que ce soit la femme de l'avocat qui doit en plus surmonter les problèmes de couples ou la fille, qui sera pris pour cible. Ils sont bien écrits, les excès sont justifiés et participent à l'ambiance totalement malsaine de l'oeuvre.
Le cinéaste américain maîtrise la montée en puissance de la tension et des événements qui vont dégénérer pour atteindre des points de non retour où vont se mêler meurtre, viol et diverses violences. L'ambiance sauvage participe à la réussite du film et permet d'oublier ses quelques petites failles à l'image de l'hystérie des personnages lors de certains passages. Scorsese maîtrise sa caméra, il nous maintient en haleine tout du long et distille l'angoisse avec brio.
La tension constante est aussi due à la superbe (à nouveau) partition de Bernard Herrmann, aussi bien utilisée que dans le film d'origine, et à d'autres éléments comme la photographie où un Scorsese se montrant maître pour sublimer la ville, mettre en scène la violence ou encore diriger les comédiens. Robert De Niro crève l'écran et se montre machiavélique à souhait tout en donnant une complexité forte à son personnage, le rendant parfois légèrement attachant. Nick Nolte lui rend très bien la réplique alors que l'ensemble des acteurs se montre à la hauteur, et on notera aussi les apparitions des trois protagonistes du film de Thompson.
En signant une nouvelle version de Cape Fear, Martin Scorsese propose un thriller aussi sombre que malsain et machiavélique, sublimant ses comédiens, le scénario ou encore la bande originale et mettant en scène une tension de plus en plus forte, jusqu'à atteindre le point de non retour.