Premier film du regretté Fabián Bielinsky, Les Neuf Reines suit la voie royale de l’intrigue à twist fondée sur le principe de l’arnaque.
Avant que le projet du coup central n’émerge, la première partie du récit s’attache au portrait des malfrats et au catalogue assez plaisant de leurs méthodes. Bielinsky y voit l’occasion d’un état des lieux de Buenos Aires, ville gangrenées par les escrocs, où chaque coin de rue est un danger potentiel, qu’on vous détrousse discrètement, avec le sourire ou directement par la violence.
Le duo qui se forme joue des contrastes : d’un côté, Darin en roublard expérimenté, mais incapable de tenir ses engagements et tentant à chaque étape de doubler ses collaborateurs, permettant au spectateur de mettre en doute à peu près chaque étape du plan minutieux qui se prépare. De l’autre, un disciple plus discret, qui semble être écrit pour permettre l’identification initiatique à ce milieu tout en faux semblant.
La réalisation n’est pas particulièrement ambitieuse et l’on sent qu’on est face à un premier film aux moyens limités : quelques travelings circulaires et deux ou trois ralentis font office de la même poudre aux yeux que celle que les personnages se servent entre eux. Bielinsky mise clairement le tout sur son scénario, roublard et sympathique, un peu excessif dans sa course au twist mais maintenant clairement l’attention. Sur le principe qu’on voyait déjà dans L’Arnaque, il s’agit d’inverser en permanence les principes : pour attirer dans ses filets un pigeon, le meilleur moyen est de lui faire croire que c’est lui qui vient vous chercher.
Le retournement final, sur le modèle de l’indépassable Usual Suspects, ne tient cependant pas toutes ses promesses : sur-explicite pour prouver qu’il tient la route, il advient au bout d’un tel nombre de twists qu’on en a un peu soupé. Et ce qu’il affirme est avant tout l’artificialité de l’écriture du film, obsédé par la diversion (à savoir, le jeune méfiant toujours craintif de se faire entuber par l’expert) au point qu’on l’avait assez tôt soupçonnée.
Il serait pourtant malhonnête de bouder son petit plaisir fugace : Les Neufs Reines est à l’image des arnaques qu’il dévoile : un tour de passe-passe malin, éphémère et à ne voir qu’une fois.
(6,5/10)