Si l'excellente construction scénaristique de ce "petit" film argentin lui a valu un triomphe national - voire international - sans précédent, c'est a priori que son scénario astucieux réussit à tromper toutes les attentes du spectateur pourtant habitué aux manipulations "hollywoodiennes", et donc à dépasser ses modèles (disons "The Sting" / "The House of Games"). Mais la petite jouissance de l'intelligence de ces "Neuf Reines" ne serait pas grand' chose sans une interprétation remarquable de justesse et précision, et une inscription plus que pertinente dans la réalité sociale de la crise argentine : on peut d'ailleurs trouver que, dans cette perspective, la "fausse fin" avant le dernier coup de théâtre est la plus belle. On sait aussi que la longue première partie, qui montre la vie quotidienne de petits escrocs, a été travaillée à partir d'expériences réelles, et on en apprécie d'autant plus la terrible peinture d'une société en pleine déliquescence, où survivre oblige chacun à se transformer en prédateur… en pure perte d'ailleurs, puisqu'au final, le système (les banques) broiera tout le monde.
A noter pour les hispanofones qui se risqueraient à la VO sans sous-titres (comme je l'ai fait), le langage argotique de Buenos Aires, la grammaire argentine assez exotique, le rythme échevelé des dialogues mitraillés par des personnages sous tension… il faut s'accrocher pour comprendre ce qui se passe (d'autant que le film est évidemment le royaume des faux semblants, des chausse-trappes, des mensonges). [Critique écrite en 2002, et complétée en 2009]