Au comble de la détresse, l'enfant saccage sa chambre tout en s'époumonant : "J'suis pas idiot... J'suis Ludo !". Le baiser du soir qu'il a quémandé à sa mère comme suprême récompense, il ne l'a pas eu. Car Ludovic, à 8 ans et malgré le diminutif d'habitude porteur d'affection, est privé d'amour maternel depuis sa naissance !
C'est là l'obsessionnel face à face mère-fils qui a d'abord bouleversé/effaré les lecteurs de Yann Queffelec. Puis qu'a imposé en images et séquences crues, du coup encore plus oeuvre scalpel sur l'enfance malheureuse, cette adaptation de Marion Hansel, portant le même titre que le roman, Prix Goncourt 85.
"Les noces barbares", pour cette trop jeune mère, Nicole, c'est en fait un viol collectif qu'elle a subi quand elle n'était encore qu'une jeune fille. Un traumatisme d'autant plus insurmontable qu'il a vite été entretenu par la naissance, puis la présence de cet enfant illégitime, non désiré et quelque peu attardé. Au coeur de la Bretagne rigoriste, où se situe ce voyage au bout de la nuit du désespoir, cela va impliquer deux vies à jamais gâchées.
Fidèle au roman, le film montre donc le phénomène de rejet d'un enfant jusque dans les aspects les plus sordides, impensables, révoltants. Car Ludo vit ses premières années dans un grenier, entre "L'Enfant sauvage" de Truffaut et Cosette de Hugo ! Parfois, mue par une petite étincelle, sa mère vient lui tenir compagnie. Entre eux, aucune démonstration d'affection. Un jour, pourtant, il rejoint le cercle familial pour une grande occasion : un quinquagénaire se propose comme mari et père.
Les années qui suivent, les tentatives maladroites de l'enfant pour se rapprocher de sa mère ne font que le réduire à l'état de larbin, de souffre-douleur. Arrivé à l'adolescence, il cristallise en lui le terrible "sein-drôme" de "L'Incompris", face à cette mère qui va finir par s'en débarrasser en le confiant à un centre spécialisé. Le jeune homme qui s'en évade peu après, aux portes de la folie, dirige ses pas vers... la mer ! Ce qui permet bien sûr l'analyse freudienne, mais aussi des séquences marines en accord avec toute l'âpreté du film.
On suit Queffelec dans son jugement sur le jeu de Marianne Basler : "Elle est parfaite ! Elle est Nicole, avec laquelle j'ai vécu de longs mois d'écriture. Pulpeuse, malheureuse, dure et perfide !". Et celui pour Thierry Frémont, incarnant l'adolescence tout en déséquilibres, manques, désarrois, de Ludo : "Lui aussi est impressionnant d'intensité !". La différence d'âges entre eux ne paraît cependant pas tout à fait conforme avec celui des personnages. Mais vue la gravité du sujet, une telle réserve de critique risque fort de passer pour de... l'enfantillage !
Pause : je m'oblige à 5 mn de piquet !
Enfin, il faut aussi citer le petit Yves Cotton, dont le jeu dans ces "Noces barbares" est la parfaite union entre la spontanéité et la capacité d'émotion.