Ah, quand même. Ce que j'adore dans cette adaptation de roman, c'est le caractère intemporel du film. C'est ce qui me plait le plus quand j'accède à une oeuvre d'un tel niveau, car c'est le signe d'une vérité touchée du doigt. Il y a du sacré dans Les Noces rebelles. Evidemment, ça dit peut-être des choses de cette époque post seconde guerre mondiale aux USA, mais c'est avant tout, pour moi, le reflet de la transition de tous les couples : de la passion à l'habitude, ou plutôt de l'amour à la tendresse amoureuse. Une transition tellement présente en littérature et au cinéma qu'il devient difficile, aujourd'hui, de raconter encore avec pertinence les mystères du cœur. Une fois le soufflé retombé, que reste-t-il de tous les rêves que l'on se forge à deux ? Lorsque les rêves, abandonnés, ont été remplacés par des objectifs tous pleinement accomplis ? Il n'y a rien de plus que toi, moi, nous. Il y a la vie. Et elle peut revêtir un masque de mort quand sa saveur s'évapore.
Ce que j'aime plus particulièrement dans ce film, c'est l'idée de mettre le scénario de côté. J'entends par là les intrigues, l'histoire en elle-même, pour se concentrer sur celle des personnages. En ça, cette adaptation est réussie car l'esprit littéraire est constant. J'ai trouvé beaucoup, beaucoup de solitude dans ce film. Il y a ceux qui arrivent à joindre deux individualités ensemble pour une osmose toute relative (le deuxième couple à la fin ou celui avec le sonotone), ceux qui n'y arrivent pas, et ceux entre les deux. Mais on est bien seuls, en réalité. Parfois les mots montrent l'amour. Parfois ils sonnent creux, comme une passion qui galvanisait autrefois. Comme un écran de fumée. Comme un avenir qui, autrefois fleurissant, représente moins encore que le passé.
La direction d'acteur est tout bonnement exceptionnelle. Leo et Kate (Kate Winslet est, et je commence à avoir vu une grosse partie de sa filmographie, la meilleure actrice de sa génération, clairement, et une des meilleures actrices de tous les temps, ne soyons pas avares de compliments quand on a la chance d'avoir une telle actrice et de pouvoir en profiter de notre vivant), en tête, mais aussi des rôles secondaires géniaux, comme celui de Michael Shannon, agissant comme un métronome de la réalité, toujours présent pour rappeler à des moments clés l'extrême mesure de la vérité. Le personnage de Léo n'a peut-être pas vu les appels au secours. C'est possible. Nous, peut-être que si. Peut-être que non. Peut-être n'étaient-ils pas très sérieux, en fin de compte ? Car Les Noces rebelles possède quelque chose d'immensément rare : on peut s'identifier à tous les personnages. Ils sont précisément le reflet du poids de la vie et de l'expérience. Et c'est ce qui fait de ce film un film à voir au moins une fois dans sa vie.