Sur le même thème que son fabuleux American Beauty (et avec le même type de musique), à savoir la dénonciation d'un modèle familial américain aussi vide qu'hypocrite, Sam Mendes revient sur des sentiers de perdition tout aussi tragiques mais un peu moins comiques, en les transposant au milieu des années 50...
Au casting, le réalisateur américain ne s'embarrasse pas d'originalité en nous resservant celui qui fit jadis la gloire cinématographique de l'ancêtre du Costa Concordia : Kate Winslet et Leonardo DiCaprio. Mais pourquoi s'en plaindre ? Les deux ont grave la classe, quoi qu'on en dise - surtout lorsque Kate se laisse aller enivrée à quelques pas de danse... Sans oublier Kathy Bates, incarnant la commère typiquement américaine dans le déni ; pas plus que Michael Shannon, interprétant son fils considéré comme fou, mais surtout très lucide et dénué de tout "surmoi". Un personnage à peine croyable, rappelant à sa mère à quel point on ne récolte que la vengeance du grain étouffé que l'on sème, et dont les interventions démesurées feront tout le tragi-comique des Noces Rebelles.
Outre l'excellent casting, la première chose qui frappe la rétine c'est le classieux de la photographie, juste magnifique. Comme lorsque déambulent des employés de bureau à peu près identiques, telle une marée déshumanisée, après que la rencontre amoureuse entre Franck et April, très classique, a laissé place aux premières prises de bec de ce couple se proclamant si "spécial" et indépendant. Mais quelques années plus tard, après avoir emménagé à "Revolutionnary Road" avec leurs deux enfants, April sentira poindre le danger du conformisme, proposant à son mari volage d'aller vivre à Paris (le rêve de ce dernier) sur sa future paye à elle afin qu'il trouve enfin sa voie au-delà de son insignifiant métier ; un peu comme si elle voulait lui rendre la pareille tandis que la sienne lui avait permis de s'adonner au théâtre. La meuf de mes rêves quoi ! ^^
Et il suffira de voir la gueule des voisins à cette annonce, qui tenteront de se rassurer de leur propre jalousie par la médisance, pour comprendre que le mot "aventure" n'a plus le droit de cité dans cette société. Surtout lorsqu'un aliéné - pas moins de 37 fois lobotomisé - s'avère être le seul à vous conforter dans votre choix. Sauf que comme toujours, le Malin et ses billets verts de reconnaissance apparaîtra au plus mauvais moment afin de proposer une offre difficile à refuser pour un homme désirant au fond garder le contrôle sur son couple. Surtout qu'en plus, la cigogne a déjà entamé son voyage...
Et si Les Noces Rebelles restaient jusqu'alors un film de bonne facture, celles-ci deviendront génialement pathétiques quant aux rapports de force au sein de ce couple. Les premières vengeances surviendront, avec leurs amis-voisins vraiment nazes et les pitoyables collègues de Franck aux premières loges, le pseudo-timbré sans tact mettra un océan d'huile sur le feu, ça montera très haut dans les tours, et on prendra le parti d'April tant on aura envie de claquer Franck, montrant enfin son vrai visage. Le visage d'un pervers narcissique incapable d'aimer sa femme autrement que comme faire-valoir (la géniale scène du petit-déjeuner m'a scié).
Quant au final, tout aussi pathétique, c'est un modèle du genre : Franck confirme ses travers, n'acceptant pas que sa femme ait pu décider de faire quoi que ce soit par elle-même, ce qui le mine encore plus que tout le reste... Et au manège d'encore et toujours tourner, avec déni, médisance et hypocrisie. Ce manège à uniformiser de jeunes couples dont la mère d'un soi-disant fou continuera d'encenser les apparences, et dont le mari, usé et fatigué, en aura plus qu'assez d'entendre sa folle médiocrité jusqu'à en couper son sonotone...
8,5/10.