Les Nouveaux Héros
6.9
Les Nouveaux Héros

Long-métrage d'animation de Chris Williams et Don Hall (2014)

N'ayant pas lu le comics original, je ne critiquerai pas "Big Hero 6" en tant qu'adaptation, ni en tant que lecteur du comics. Mais j'imagine que ça n'aurait guère amélioré sa note.

Après un "monde de Ralph" sympathique quoiqu'assez bancal et un "Frozen" très creux, Disney remet le couvert avec la même équipe, en proposant un long-métrage de super héros se déroulant dans une ambiance très niponne, passant donc de l'inspiration jeux vidéos à celle manga/comics.

Côté charadesign et travail sur les décors, rien à redire, c'est esthétique et travaillé, l'animation est parfaitement fluide, les angles de caméras hyper dynamiques et les scènes d'actions très efficaces, portées par une musique légèrement électro assez trippante. La course-poursuite en voiture est probablement l'une des meilleures en terme de rythme, l'animation des héros pue la classe, bref, c'est stylé, c'est beau, c'est rythmé. Et esthétiquement, c'est cohérent.

Mais si vous avez lu la note, laissez-moi vous dire que les quatre points attribués au film le sont pour les quatre qualités que je viens d'énumérer : design, animation, musique, rythme. Parce que le reste est du foutage de gueule.

Je ne suis pas un bon public pour "Big Hero 6" pour une raison très simple : je ne suis pas un otaku ni un weeaboo (si vous ne savez pas ce que sont ces drôles de truc, demandez à Gogole, il s'agit de lointains cousins des nerd) et malheureusement je connais - un peu, il ne faut pas exagérer - la culture japonaise. Un peu plus en tout cas que ceux qui ont fait ce film et se sont contentés de prendre pêle-mêle beaucoup d'aspects visuels de la culture nippone - maneki-neko, torî, masque de kabuki...- et les ont foutu en vrac, sans autre intention que celle purement esthétique sur des référents culturels et des valeurs bien occidentales, bien américaines, je dirais même. Car sous sa chouette carapace néo-tokyoïte, Big Hero 6 est à l'image de son représentant, le robot Baymax, une énorme boule de guimauve blanche, lisse et sans goût. Le film est un enchaînement de clichés sirupeux - petite musique mélancolique à l'évocation des parents morts, "bad guy" dont l'identité est tellement évidente que je l'ai personnellement grillé dès sa PREMIERE apparition alors qu'il s'agissait d'un twist, personnages stéréotypés (j'ai particulièrement apprécié le fan de comics débile, bouffon et crade, quand on sait qu'il est supposé représenter une partie du public à qui est destiné ce truc. C'est classe. Ou la fille "à caractère" qui n'est pas féminine, en opposition à la greluche vêtue de rose...subtil, ça aussi). Le ressort comique du robot, placide et décalé fait peut-être rire les deux premières fois, sourire à la troisième mais personnellement, à la 15ème variation de ce gag, j'étais simplement saoulé. Côté stéréotype, j'ai également trouvé amusant que le héros, portant un nom japonais, ne soit absolument pas typé asiatique, à l'inverse de son frère : un personnage générique, dont la personnalité se résume à...la crise de puberté. Aucun trait distinctif, aucun goût particulier, il ne sert que de levier scénaristique et n'est ni particulièrement touchant, ni particulièrement attachant, tant il passe de la morgue à l'humilité, puis au désespoir, puis à la rage meurtrière puis enfin aux bons sentiments en l'espace de quelques minutes. Que dire aussi de l'inutilité de ses sidekick, qui n'auront servi qu'à remplir les scènes d'actions ? Et quand bien même : leurs interventions en combat ne mènent pas Hiro à la victoire, n'influent pas sur le déroulement de ce combat, il n'existe aucune alchimie entre eux...je me suis réellement demandé quel était le propos de mettre autant de personnages secondaires pour les utiliser aussi peu, tant l'histoire tourne autour d'Hiro et de Baymax. Le scénario est linéaire, prévisible, les enjeux manquent cruellement d'intensité (dans la mesure où Hiro résoudra le mystère de la mort de son frère dans la première demie-heure). Et je passerai sur la crédibilité des plus discutables du gamin de 12 ans capable de créer - et de financer - des milliers de nano robots manipulables par la pensée. Faire de la science-fiction ne signifie pas prendre le spectateur pour un jambon.

Et je finirai sur le thème du deuil... pour ça je vais également revenir sur l'emballage "nippon" que ce film arbore et qui est à mes yeux le plus gros problème. On ne peut pas récupérer le visuel d'une culture sans imprégner son histoire de cette culture si l'on souhaite l'utiliser autrement que comme argument marketing. Même un minimum, même maladroitement, pour avoir une cohérence entre le visuel et le propos. Ici, le film traite le sujet du deuil de manière très occidentale (présent dans ton cœur, encore ici, etc, etc...) alors qu'il se déroule dans une cité - certes imaginaire - d'inspiration asiatique. Soit, nous sommes dans un disney, je ne m'attendais pas à de la philosophie bouddhiste ou shintô mais il y avait clairement moyen de nuancer le propos, de le traiter autrement, pour une fois, afin que le changement ne soit pas que visuel, d'offrir une autre vision que notre perception occidentale de la mort. C'était une belle opportunité d'ouverture. Au final, l'aspect japonisant ne sert ici qu'à faire joli et je trouve ça tout simplement insultant (Sérieusement, un chat s'appellant "Mochi", un personnage s'appellant "Wasabi"...Je sui surpris de ne croiser ni "Katana" , ni "Geisha", au casting, sans doute trop "populaires" pour faire stylé...). Peut-être est-ce le cas pour un paquet d'autre disney - je ne suis expert ni en culture africaine, ni en culture indienne - mais je trouvais pour le coup que "Les mondes de Ralph", même s'il était maladroit, était largement moins putassier dans sa démarche. Ce qui serait sans doute moins grave si le scénario ou les personnages tenaient debout.

Big Hero 6 c'est le même schéma narratif, la même philosophie (tout le monde doit être gentil, la mort est sans conséquence...), les mêmes personnages stéréotypés que ce que Disney fait depuis maintenant des décennies mais emballés dans un joli papier pastel couvert d'inscriptions japonaises piquées au hasard dans un dictionnaire. Beaucoup de potentiel esthétique, narratif et culturel pour un produit navrant et malhonnête.
SubaruKondo
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le 16 févr. 2015

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