♫ We could be hero(es), just for one day...♫
Par OhCaptainMyCaptain.
Nouveau film d'animation à l'honneur sur l'Agence, et pas n'importe lequel, puisqu'il est question des Nouveaux Héros, lauréat de l'Oscar du meilleur film d'animation de la cérémonie de 2015 ! La firme aux grandes oreilles réalise donc le doublé, puisqu'elle remporte le trophée une deuxième année consécutive, après le triomphe de la Reine des Neiges. Disney ne s'est donc pas laissé aller après son premier succès. (Laisser aller, let it go... Non, vraiment ?)
Les Nouveaux Héros, qu'est-ce à dire ? Cela fait maintenant près de six ans que Disney fait dans le super-héros, encore une franchise Marvel pour le Marvel Cinematic Universe ? Alors oui, et non. Si Big Hero 6 (la sempiternelle question : pourquoi cette traduction, sérieux? Y a un ordre chronologique maintenant ?) est bel est bien une franchise Marvel dans les comics (l'équivalent des Avengers du Japon) et que Disney peut s'en servir que de par son droit de propriété d'exploitation, nous avons affaire en réalité à un Classique Disney, donc bien un film du studio Disney, contrairement aux films Avengers, filialisés. Et c'est donc pour la première fois que le studio Disney s’immisce dans l'univers super-héroique pour ses classiques (non, les Indestructibles ne rentrent pas dans cette catégorie, puisque c'est un film Pixar, autre filiale de Disney). Tentative d'introduction réussie ou ratée ?
Les Nouveaux Héros relate l'histoire de deux frères génies scientifiques de la robotique, Hiro, 12 ans, et Tadashi, en master dans une école spécialisée, élevés par leur tante après le décès de leurs parents. Ceux-ci vivent dans la ville fictive de San Fransokyo, un San Francisco japanisé a priori futuriste. Après la participation de Hiro à un concours d'innovation pour rentrer dans l'école de son frère, Tadashi meurt tragiquement. Hiro doit donc se reconstruire, avec l'aide de Baymax, robot médical créé par son frère, et des six étudiants de l'école. D'autant que son étrange création a disparu. Des événements qui pousseront notre petit groupe de six amis à enfiler leurs collants...
D'un point de vue purement esthétique, quelle magnifique réussite ce Big Hero 6... Si j'avais souligné dans la critique d' Astérix que les graphismes étaient vraiment très beaux, ici, on sent clairement la patte Disney. Les deux films ne boxent vraiment pas dans la même catégorie. Les dessins sont vraiment magnifiques, les comportements des personnages plutôt bien travaillés, et certains paysages sont vraiment criants de réalisme. Alors il y a certes récupération du travail sur la Reine des Neiges, mais les studios Disney se sont encore dépassés sur ce film.
D'autant que cette prouesse technique est accompagnée d'une atmosphère originale parfaitement maîtrisée. La ville de San Fransokyo est un hybride total de San Francisco et de Tokyo, et au lieu d'une vulgaire superposition des designs des deux villes, il y a clairement un travail de mixage des deux cultures qui rend vraiment bien à l'écran. C'est le cas notamment du Golden Gate en mode asiatique, vraiment bien conceptualisé. A noter également de belles influences de Stargate, ce qui ne manquera pas de réjouir les amateurs de SF !
Au-delà du cadre purement visuel, la musique nous transporte dans ce monde de mixité culturel. Des sons très rocks pour nous rappeler le pays de l'Oncle Presley, agrémentés de sonorités très asiatiques. Un véritable travail en amont de la part d'Henry Jackman (récidiviste, après sa belle partition dans Captain America 2) ! On regrettera seulement l'absence de titre original phare, à la Disney. Les nostalgiques chantent encore sur les chansons magiques de Disney, les jeunes d'aujourd'hui chantent « Libérée Délivrée », une chanson rock Disney sur les super-héros n'aurait pas fait tâche. Tout juste avons-nous droit au titre « Immortals » des Fall Out Boy. Agréable, mais pas inoubliable, et surtout sans cachet.
Au final, le cœur de la critique se situe ici : toute la question de savoir si ce film est bon, c'est surtout de savoir si il fait aussi bien le travail que les autres Classiques. Tel est le lourd héritage de chaque film estampillé « Classique d'animation Disney ». Bien sûr, chacun aura son préféré, mais généralement l'ensemble des films marque les enfants dans leur développement. Pour des premières bases de réponse, la structure du film ne s'écarte pas réellement de ce que les contes Disney proposent habituellement. Les parents disparus dans la tendre enfance, ca ne vous rappelle rien ? Ici l'effet dramatique est même doublé puisque le grand frère décède également. Remplacer grand frère par figure paternelle, et vous pouvez calquer le schéma sur beaucoup de Disney.
Le problème c'est qu'ici, à force de vouloir faire trop de dramatique, le film se perd un peu, et ne réussit pas là où ces prédécesseurs surclassaient la concurrence : faire de l'émotion oui, mais toujours rester dans le juste, et surtout que cela apporte au développement et à la profondeur des personnages. Et les effets de la mort de Tadashi sur Hiro, ils sont un peu baclés dans un premier temps, même si l'intrigue se rattrape, quelque peu, plus tard sur ce point. Et c'est plutôt dommage, parce que le film avait réussi à donner une vision vraiment crédible de la relation entre les deux, plutôt touchante, pas trop gnangnan, mais surtout adaptée à la jeunesse d'aujourd'hui. Combien de films se ratent complètement en tentant de reconstituer une relation entre jeunes et finissent en parodie grotesque des jeunes (coucou les Enfoirés) ? Ce n'est pas le cas ici, mais c'est aussi la grande force de Disney, s'adresser aux jeunes de tout âge, leur parler juste, pour leur transmettre clairement le message.
De manière générale, le film est plutôt fun, et c'est surtout le robot Baymax (magnifié par le doublage de Kyan Khojandi de Bref) qui va apporter cet humour, sans jamais sacrifier les autres pans de sa personnalité. Et au final c'est peut-être le personnage le plus profond et le plus travaillé, ce qui est plutôt un comble, étant le seul non-humain. Mais comment ne pas rire devant son comportement, et même son non-comportement, totalement en décalage avec les événements que vivent nos compères ? Bon malheureusement, le studio va glisser quelques blagues de mauvais goût (et dans le sens humour ras des pâquerettes) mais sa performance globale compense largement. Notamment cette idée de génie de lui donner les caractéristiques d'une personne fortement alcoolisée quand ses batteries sont déchargées!
Le reste du « casting » est peut-être le plus symptomatique du film divertissant, mais complètement prévisible. Mise à part peut-être Hiro (doublé par Maxime Baudoin, dont la vingtaine d'années se fait malheureusement trop ressentir dans la voix), les quatre gais lurons du laboratoire sont des stéréotypes complets, à savoir le geek un peu benet (heureusement qu'il est drôle, et rattrapé par l'habituelle très bonne prestation de Donald Reignoux, sinon...), le gros black musclé, la garçon manquée, et la girly flowerpower. Alors oui, c'est un film pour enfant et il faut forcément un minimum d'identification très marquée, mais quand cet état de fait est couplé avec une certaine absence de profondeur et d'écriture de personnage, c'est plutôt limite. Les personnages se limitent à leur rôle prédéfini, ils sont là dans un but précis, et jamais le film ne grattera un peu pour découvrir d'autres aspects de leurs personnalités. Maintenant, la petite bande en costume est plutôt très drôle, décalé, mais aussi jouissive quand ils travaillent en équipe pour se battre. Et c'est ce qu'on attend le plus du film, c'est donc réussi.
Remarque de fanboy, c'est également un poil décevant de ne pas avoir plus de référence à l'univers Marvel dans le film. Alors attention, pas de clin d’œil trop lourd non plus dont le but serait seulement de faire vendre, mais sachant que Disney avait tous les droits pour glisser des petites références aux super-héros du cinéma... Cela aurait permis de travailler un peu l'écriture de background du film. Ce qui revient au principal défaut du film: il est très superficiel dans la construction. Il n'y a finalement qu'une ressemblance vague avec Iron Man du dessin sur le T-shirt de Hiro qui pourrait faire écho, et peut être du design de l'armure de Baymax. Ah, et bien entendu, le désormais classique caméo de Stan Lee, célèbre scénariste de la Maison des Idées, comme dans tous les films Marvel au cinéma, toujours pleine d'auto-dérision. (Si vous ne saviez pas, vous pouvez dorénavant partir en chasse ! Attention, certains sont plutôt discrets ! ). La structure globale du film laisse également penser que le Avengers de Joss Whedon a été une source d'inspiration dans l'écriture, notamment sur la fin.
C'est avec beaucoup de sévérité que cette critique a été faite, je dois l'avouer, mais je garde un œil vraiment affectueux envers ce film d'animation. D'une part parce que c'est un Disney, d'autre part parce qu'il s'empare enfin de la question des super-héros. Mes plus belles années Disney sont derrière moi, et je n'aurais plus jamais la même excitation ni rêverie en regardant les nouveaux Classiques, ce qui peut laisser présumer un jugement amer. En toute objectivité, le film ne vaut pas ce qu'a pu faire précédemment Disney, en manquant clairement de profondeur, mais il reste un film réussi techniquement, vraiment fun, distrayant. Il devrait beaucoup plaire aux enfants, et faire passer un bon moment à ceux restés enfant dans leur tête. Et s'il permet d'introduire un nouveau public au monde merveilleux des super-héros... Il ne faut pas faire la fine bouche ! Il est encore au cinéma pour quelque temps, alors pour se détendre et rêver, c'est le moment !
