La nouvelle production des studios Disney sera peut-être un film-charnière dans l'histoire du studio, mais pour une fois, commençons par l'antithèse... Clairement, ce n'est pas un chef-d’œuvre ultime du calibre des "Indestructibles", qui parvenait à équilibrer avec maestria des séquences d'action trépidantes avec des moments drolissimes - car très low key - sur la vie privée des personnages, dignes d'une comédie indépendante des années 90. De surcroît, il n'a pas non plus la drôlerie et l'inventivité des "Mondes de Ralph", et le scénario est sans doute trop prévisible pour un public adulte. Enfin, on ne voit pas suffisamment le personnage de Baymax, que les équipes marketing nous ont survendu. (Je suis plus partagé sur le score d'Henry Jackman, très efficace dans les scènes d'action, mais trop sirupeux dans les segments de la vie quotidienne).
Pour autant, le film est très riche visuellement (les environnements fourmillent de détails, le lighting est somptueux, tant dans les environnements réalistes que dans l'épisode du vortex qui est plus intéressant que son équivalent dans "Interstellar"), les personnages sont d'une expressivité sidérante, et (voilà la raison pour laquelle je lui ai décerné un 9), c'est le Disney qui traite le mieux la question du deuil.
Evidemment, c'est la problématique la plus difficile à développer dans un "divertissement" dit "familial", et jusqu'à présent, ce sont les films Ghibli qui l'avaient le mieux appréhendée... Certes, Disney n'a jamais évité le sujet, mais dans "Bambi" ou "Le Roi Lion", la question de la perte était assez vite balayée pour se concentrer sur le coming-of-age, c'est à dire le passage à l'âge adulte.. Somme toute, on privait le personnage principal d'un membre de sa famille, mais c'était pour mieux le faire grandir, et très vite, tout s'oubliait dans les rires et les chansons. On ne rappelait la mémoire du défunt que ponctuellement, et brièvement, pour ne pas déprimer le public. Et même dans le fabuleux "Là-Haut", elle restait circonscrite au début du film. Ici, de part en part, Disney explore le thème, de façon honnête et intelligente, sous tous ses aspects et dans quasiment toutes ses phases (brève sidération, matérialisée par le montage et l'éclairage - puis douleur physique / douleur émotionnelle / colère / marchandage / acceptation et reconstruction)... Autre point positif : le thème de la revanche, qui a tendance être légitimée dans les films américains, se voit abordé de façon mature, nuancée mais impartiale dans sa résolution (n'en disons pas plus, pour qui n'aurait pas encore vu le film).
C'est s'il débouche sur des suites que "Les Nouveaux Héros" trouvera sa totale justification. La dynamique du groupe de super héros n'étant pas encore pleinement exploitée, il faut sans doute davantage le voir comme un film d'introduction des personnages, que comme un stand alone (effectivement, "Les Indestructibles" se suffisait à lui-même, sans sentiment d'inachevé, mais on se réjouit que Brad Bird lui prépare un deuxième volet). En tout cas, le potentiel d'Hiro et ses acolytes est immense. Reste à savoir si Baymax sera aussi attachant, s'il est moins voué à sa fonction curative, et davantage présenté comme un justicier aux gros bras.