Voici, avec le Dictateur de Chaplin, l'autre film où la moustache d'Hitler semble être tirée et plus que chatouillée par un dindon de farce et où la casquette du soldat (de gré ou de farce) burlesque, soufflée par le courant de la guerre et les bombes, redonne à voir une de ses racines : la fureur insolente. Et je ne suis pas loin de penser que cette rage, en dénigrant aux soldats nazis et à son chef la moindre valeur guerrière, sans parler de valeur humaine, est ici une des formes les plus émouvantes de la résistance russe face à leur adversaire du moment. En tout cas, celle qui donne à voir l'engagement.
La fureur est d'autant plus belle qu'elle est très contrôlée, à moins - autre hypothèse - qu'elle soit tellement l'humeur dans laquelle baignent Youtkevitch et son équipe qu'elle affleure de toute part : jeu nerveux, précis des acteurs (militaires en particulier), avec cette jubilation de l'alternance rapide du geste et de la parole qui ne coïncident jamais, loin s'en faut, sauf par la méchanceté (encore Chaplin) et la ruse qui les fait se contredire lorsqu'il s'agit de donner un coup de pied au cul du petit nazi moustachu; montage sur le même ton qui n'est pas sans faire revivre, par coïncidence d'humeur, l'héritage de l'avant garde russe, cinéma et théâtre. Notamment aux moments clés d'emballement de l'action.
Un des Hitler (sous le feu retourné de sa fureur) les plus petits et les plus pitoyables - et, qui sait, les plus proches de son modèle - de l'histoire du cinéma.