D’où vient cette impression que Le notti di Cabiria s’écoule divinement sans que les coupes, pourtant brutales, agençant les séquences ne viennent interrompre le spectacle d’une renaissance à la vie teintée de noirceur et de mélancolie ? Federico Fellini compose un conte moderne en partant du plus vieux métier du monde, qu’il saisit dans son langage si particulier – aidé en cela par Pier Paolo Pasolini – dont le franc-parler dénude la crudité de la réalité autant qu’il rejoue les clichés inhérents à l’amour, à la réussite et à la rédemption qui définissent la société italienne. Aussi le personnage de Cabiria est-il tiraillé entre sa gouaille démystificatrice et sa foi en une romance placée sous le signe du rachat des fautes, trouvant ainsi une densité et une authenticité remarquables.


Ce que capte Fellini, ce sont des tranches de vie qui partent de la réalité triviale pour peu à peu s’affranchir de leur ancrage terrestre et s’élever vers la rêverie pure ; en témoigne la séquence-pivot au cours de laquelle notre personnage principal est envoûté par un magicien de foire jusqu’à rencontrer, par fantasmes interposés, son ravisseur. La sublime photographie, que signent Otello Martelli – grand habitué du cinéma de Fellini – et Aldo Tonti, contribue à convertir l’entrelacs du rêve et de la réalité éprouvé par Cabiria en expérience onirique pour un spectateur sous le charme d’un geste artistique et d’une actrice magnifique, Giulietta Masina. La noirceur tonale qu’adopte à terme le long métrage n’est pas sans évoquer les constructions diaboliques des polars de Fritz Lang, ici heureusement rehaussée par un défilé final revigorant qui finit de nous toucher au cœur.


Un chef-d’œuvre bouleversant dont la temporalité, encadrée par deux potentielles noyades, semble suspendue et offerte à la poésie.

Fêtons_le_cinéma
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le 31 déc. 2020

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