Peut-être légèrement inférieur à La Strada ou Les Vitelloni, Les Nuits de Cabiria n’en est pas moins un chef-d’œuvre. Une prostituée au grand cœur est abusée jusqu’à manquer de perdre sa vie (par deux fois dans une répétition cruelle au début et à la fin du film). Giulietta Masina porte une fois de plus sur ses frêles épaules ce film qui expose les noirceurs de l’âme humaine sans complaisance mais qui garde, même au tréfonds du désespoir cette petite lumière de l’espérance et de la foi en l’humanité qui est la constante de l’œuvre de Fellini. La critique sociale est féroce, de même que la charge contre la religion. Les images du pèlerinage hystérique avec le miracle pitoyablement avorté sont particulièrement fortes et rejoignent en contrepoint celles de la scène du music-hall (lieu cher à Fellini qui revient en boucle tout au long de ses films) où le prestidigitateur réussit lui aussi à faire croire au miracle à toute une assistance. C’est sans doute la leçon principale de ce film et de toute la première partie de l’œuvre de Fellini : plutôt qu’une foi aveugle et imbécile en des marchands d’illusion, gardez foi en l’être humain, même quand tout semble perdu. En ce sens, Fellini est un grand humaniste, au même titre que Chaplin à qui je l’ai déjà comparé. Et il a comme lui une qualité rare, celle de faire se terminer ses films sur des séquences inoubliables. Le sourire qui revient peu à peu illuminer le visage de Cabiria lorsqu’elle marche au milieu des jeunes gens insouciants, qui la replongent dans la vie alors même qu’elle vient de subir la pire des désillusions, est porteur de tout l’espoir du monde et fait honneur au cinéma.

Maqroll
9
Écrit par

Créée

le 11 juil. 2013

Critique lue 992 fois

8 j'aime

Maqroll

Écrit par

Critique lue 992 fois

8

D'autres avis sur Les Nuits de Cabiria

Les Nuits de Cabiria
Docteur_Jivago
8

Goodbye Stranger

C'est en 1957 que Federico Fellini co-écrit et met en scène Le Notti di Cabiria, relatant les déboires d'une prostituée un peu simplette et pleine de vie qui croit régulièrement au grand amour avant...

le 5 mai 2017

30 j'aime

1

Les Nuits de Cabiria
Grimault_
9

La nuit, je mens

Sorti en 1957, Les Nuits de Cabiria n’est pas à proprement parler un film « néoréaliste », ce courant cinématographique étant daté de 1943 à 1955 (environ). Pourtant, il en porte toujours les marques...

le 11 juin 2021

20 j'aime

Les Nuits de Cabiria
Alligator
9

Critique de Les Nuits de Cabiria par Alligator

La notte de Cabiria est un superbe morceau de bravoure de mise en scène. Fellini filme sa femme avec une si grande délicatesse. Acte d'amour. La perle du film est bien cette Giuletta Massina qui...

le 5 janv. 2013

20 j'aime

Du même critique

Little Odessa
Maqroll
9

Critique de Little Odessa par Maqroll

Premier film de James Gray, l'un des génies incontestables du cinéma actuel, où déjà l'essentiel est en place. Un scénario, d'une solidité qui force l'admiration, rapporte une histoire tragique...

le 1 oct. 2010

20 j'aime

1

Babel
Maqroll
5

Critique de Babel par Maqroll

Une quadruple histoire dont on démêle peu à peu les intrications, qui constituent une espèce de fresque sur les difficultés des êtres humains à parler entre eux. Malheureusement, ce film rempli de...

le 17 juil. 2013

18 j'aime

2

L'Émigrant
Maqroll
10

Critique de L'Émigrant par Maqroll

Attention, chef d’œuvre absolu. Chaplin s’attaque ici au mythe des mythes, l’arrivée des immigrants aux États-Unis (via Ellis Island) et la voie ouverte à tous les rêves… La traversée de l’Atlantique...

le 10 juil. 2013

17 j'aime

3