Les nuits de Mashhad n'est absolument pas un film iranien. Il a été financé par 4 pays européens dont le Danemark, le pays de Ali Abbasi, son réalisateur, qui a quitté l'Iran il y a déjà 20 ans. Vu de Téhéran, le long-métrage est assurément perçu comme anti-iranien car à travers l'histoire de tueur en série qu'il raconte, il s'en prend à la société dans son ensemble et pas seulement aux autorités religieuses ou à la justice. L'assassin de prostituées semble en effet comme un instrument du peuple, dans les violences faites aux femmes considérées comme impures, dans son délire phallocrate et religieux. Le film est à charge, très efficace dans son récit partagé entre une journaliste courageuse et le meurtrier, "émissaire" d'un Dieu visiblement misogyne. Ali Abbasi, dont on avait apprécié le très barré Border, ne fait pas dans la dentelle et on peut notamment lui reprocher une insistance suspecte voire complaisante dans les scènes sordides. Contrairement aux cinéastes iraniens (Farhadi, Rassoulof, Panahi ...) qui vivent sur place et doivent ruser avec la censure, Abbasi n'a pas besoin d'user de subtilité et ce côté frontal, s'il peut paraître excessif, s'appuie tout de même sur une réalité sociale incontestable. Par ailleurs, grâce au rôle de journaliste, qui a valu à l'excellente Zahra Amir Ebrahimi de remporter le prix d'interprétation à Cannes, le film acquiert une recul salutaire, en particulier face au fanatisme religieux et à la corruption généralisée, et lui évite un côté trop démonstratif.